Le verglas paralyse en cette matinée du jeudi 18 novembre une partie du réseau routier de Toulon et ralentit le trafic aérien, mais il faut rendre hommage à la Police aux frontières du ministre français de l’Intérieur, Gérald Darmanin, qui ne s’empêche pas de braver bourrasques et intempéries pour l’accomplissement de sa mission. Et quelle mission ! Celle de la chasse à l’homme.
Comme le dit le ministre, lui-même, il n’y a pas de rupture entre la politique d’immigration qu’il conduit et celle de ses prédécesseurs. Certes, le discours a changé et les étrangers ne sont plus montrés du doigt et stigmatisés à chaque occasion, mais au-delà de cette évolution notable, la politique de l’actuel ministre de l’Intérieur est aussi ferme que celle de ses prédécesseurs, puisqu’on ne se contente plus actuellement d’expulser les sans-papiers condamnés, mais on va les chercher là où ils peuvent se cacher, dans les quartiers qu’ils fréquentent, à domicile, à l’entrée de métro et même devant les portes des établissements scolaires, nous explique Zakaria Hassouni, un ancien instituteur marocain d’origine meknassie, parti en 2006 en France à la faveur d’un départ volontaire et expulsé après 15 ans de vie dans le pays, modèle au monde en Droits de l’Homme.
Seul objectif, précise-t-il à barlamane.com, depuis le domicile de sa sœur qui le prend en charge au quartier El Menzeh à Meknès : atteindre les quotas fixés à 30 000 expulsons pour 2021. Une politique de chasse à l’homme qui ne correspond en rien à ce qu’attendaient beaucoup de ceux qui ont autant de bonnes raisons de placer espoir et confiance dans un pays connu, de par le monde, très actif pour défendre et assurer la protection des libertés et des Droits de tous les êtres, quels que soient leur origine, couleur, langue ou religion.
Le cas de Zakaria Hassouni est éloquent : 15ans en France, un enfant français qui a besoin de lui, un différend familial autour d’une pension alimentaire comme il s’en produit tant… et c’est le préfet qui intervient en prononçant une peine terrible : le bannissement. Il a été expulsé vendredi 24 novembre, attaché avec un collant sur la bouche après une première tentative, le 23 novembre, où il a refusé de partir «sans son fils».
En France depuis 15 ans, Zakaria a obtenu un titre de séjour d’un an en 2012. Après 6 ans de vie commune avec la marocaine Sofia Taybi, de nationalité française, ils se sont séparés en mars 2017.
Ils ont eu un petit garçon, Imad, de nationalité française, âgé aujourd’hui de quatre ans et demi et scolarisé dans une école maternelle à Toulon.
Un titre de séjour de 10 ans devait être accordé à Zakaria Hassouni en septembre 2019 ; mais ce document a été bloqué en préfecture parce que la mère a signalé que le père ne payait pas la pension prévue.
Une obligation de quitter le territoire français a aussitôt été prononcée, toujours en vigueur bien que Zakaria ait repris les versements réguliers de la pension prévue depuis décembre 2018. Et c’est quand même scandaleux que le préfet s’arroge le droit de trancher de questions qui relèvent de la justice, s’indigne Hassouni, âgé aujourd’hui de 65ans.
Après un banal contrôle routier et deux jours de garde à vue, Zakaria a été conduit au Centre de rétention administrative de Marseille. Des problèmes de santé compliquent la situation de la famille. La mère est fréquemment hospitalisée pour un traitement important, elle est en invalidité. Chaque fois, Zakaria prend en charge son fils pendant ces périodes. Le garçon est lui-même suivi médicalement, avec souvent la présence du papa aux rendez-vous, il doit être opéré en février 2022.
Cet enfant est très attaché à son père et vit très mal son absence depuis son enfermement au Centre de rétention administrative et somatise. La maman est très inquiète en raison de ses propres problèmes de santé : Qui s’occupera de son fils ou l’accompagnera pour les soins quand elle sera elle-même hospitalisée ?
Pourtant, le Tribunal Administratif a confirmé la mesure d’expulsion !
Pour Zakaria, il s’agit d’une une attitude irresponsable, cette expulsion est inadmissible pour le présent de la France et gros de dangers pour son avenir. En effet, explique-t-il, l’air abattu, quand un nouveau président de droite ou de gauche reviendra aux affaires en France, le futur ministre de l’Intérieur aura beau jeu de se réclamer de la continuité pour légitimer les mesures les plus réactionnaires, dans le droit fil de ses prédécesseurs.
Il serait temps, vraiment, qu’en ce domaine des expulsions, le changement intervienne. Pas certain que le prochain gouvernement, de droite ou de gauche y réussisse si les médias ne l’y aident pas un peu énergiquement.