C’est un ministre de la Communication très optimiste et très fier qui s’est présenté, mercredi 2 mars, devant la presse pour se livrer à son exercice annuel qu’est celui de faire le bilan de l’année, cette fois-ci de 2015, en matière de liberté de presse, une année qui selon ce porte-parole du Gouvernement, reste « distinguée » en matière de promotion de liberté et d’indépendance ». Il a toutefois mis un bémol en reconnaissant que « des défis et des enjeux persistent ».
Et Mustapha El Khalfi d’égrener les réalisations qui font de 2015 une année « distinguée », avec d’abord l’adoption en Conseil de gouvernement du projet de loi 13.88 sur la presse et l’édition, et l’adoption par le parlement du projet de loi N 13.90 portant création du Conseil national de la presse en tant qu’instance élue et du projet de loi n 13.89 relatif au statut des journalistes professionnels. Il y a ensuite, l’instauration d’un nouveau système de soutien de la presse avec une augmentation du montant de soutien direct à ce secteur de 50 pc passant ainsi de 42 millions de dhs en 2012 à 60 millions en 2015.
Pour ce qui est des procès intentés aux journalistes, El Khalfi souligne « avec satisfaction » la baisse du nombre des jugements dans les affaires afférentes au secteur de la presse et de l’édition à seulement 24 jugements, dont 14 acquittements, annulation ou incompétence, contre 56 au cours de l’année 2014, et l’imposition par nos magistrats « spécialisés » d’amendes modérées, « sauf dans des cas exceptionnels » dont on aimerait bien connaitre le caractère exceptionnel mais ceci reste bien évidemment à la discrétion du juge « spécialisé » .
Il y a aussi l’abandon de manière définitive de la non-autorisation de distribution des publications étrangères pour des raisons politiques, une mesure qui a eu son impact étant donné que l’année écoulée n’a enregistré aucun cas d’interdiction d’un site électronique, de confiscation ou d’interdiction d’un journal national.
Concernant les agressions de journalistes, ces derniers doivent s’estimer heureux car l’année précédente a été marquée par un recul notable des cas d’agressions contre eux lors de l’exercice de leur métier, avec 6 cas seulement, contre 13 en 2013. Ceci c’est le Syndicat national de la presse marocaine (SNPM) qui le dit, pas le ministre.
Quant à la presse électronique, désormais reconnue juridiquement et son intégration dans le système de soutien public à la presse, le nombre de sites est passé de 0 en 2012 à 254 en 2015, et le nombre des journalistes dans ce secteur ayant obtenu la carte de presse a cru de 46 en 2014 pour passer à 98 en 2015.
Avec un tel bilan, l’on se demande de quoi veut parler Reporters Sans Frontieres (RSF), entre autres, quand il dit: « Informer, constitue aujourd’hui encore une activité à haut risque dans des Etats comme l’Algérie et le Maroc », où prétextant l’atteinte à la sécurité ou à l’intérêt national, « les autorités des deux pays maintiennent une très forte pression sur le journalisme indépendant ». Le cas également de Freedom House qui classe le Maroc dans la catégorie « pays partiellement libre » sur Internet, ou encore Human Rights Watch qui reproche aux autorités de poursuivre certains journalistes, pour ne pas citer également le SNPM qui a, de con coté, épinglé les autorités.
C’est peut être à cela que le ministre de la communication faisait allusion en reconnaissant que « des défis et des enjeux persistent ».