La marée humaine aura duré une journée entière, écrit l’AFP : au moins 5 000 migrants, dont un millier de mineurs, sont parvenus lundi à atteindre par la mer ou par la terre la ville de Sebta. Ceux qui voient l’implication marocaine dans la régulation des migrations internationales comme une sous-traitance se trompent absolument, car les embarcations chargées de boat people ainsi que les opérations d’interceptions maritimes ne sont pas du ressort exclusif de Rabat.
Ce lundi 17 mai, quelques milliers de migrants ont pénétré dans la ville de Sebta, située dans le nord du Maroc. Largement relayées par les médias, les images de ces tentatives de passage ont été très commentées. Les voix s’élèvent pour dénoncer le caractère dérisoire des politiques de contrôle des frontières de Madrid, alors que le gouvernement espagnol s’exonère des responsabilités qui lui incombent au regard des engagements internationaux auxquels il a adhéré.
Dès les premières lueurs du lundi 17 mai jusque tard dans la soirée, les arrivées de migrants, venus des plages marocaines situées à quelques kilomètres au sud de Sebta, se sont multipliées sur le territoire occupé par l’Espagne, a indiqué un porte-parole de la préfecture de Sebta. L’absence de la police espagnole au moment des faits prouve que Madrid cantonne le Maroc dans un rôle de réceptacle passif qui participe activement au contrôle de la frontière de l’Union européenne. Dans la nuit de lundi à mardi, le porte-parole de la préfecture a annoncé à l’AFP que 5 000 personnes avaient franchi la frontière et que ce chiffre, inédit, pourrait encore augmenter. Le gouvernement espagnol est-il capable d’aller au-delà de la rhétorique, de la pratique «molle» du discours officiel pour sécuriser ses frontières ?
Dans le contexte de la régulation des migrations irrégulières, le Maroc est le seul pays de la rive sud de la Méditerranée à avoir mis en œuvre un modèle de bonne gouvernance. Toutefois, certains de ses partenaires le perçoivent encore comme un «bon élève» qui doit observer les normes et pratiques de régulation migratoire externalisés par l’UE et porter le fardeau du mécanisme de délocalisation des contrôles mis en place par l’Union. Le Maroc se conforme aux conventions internationales relatives aux obligations et droits des migrants et des étrangers légalement établis, alors que l’Espagne, principalement, sous-traite hors de son territoire une partie du contrôle de ses frontières.
Ce lundi, des jeunes hommes, mais aussi des enfants (un millier de mineurs, selon la préfecture) et des femmes comptaient parmi ces migrants, venus par la mer, à la nage, utilisant parfois des bouées gonflables ou des canots pneumatiques. D’autres encore sont arrivés en marchant, à la faveur de la marée basse. Des vidéos postées sur les réseaux sociaux montraient de jeunes migrants, parfois en maillots de bain ou tout habillés, débarquant sur les plages de rochers, sans aucune présence des forces de l’ordre espagnoles. Que fait donc Madrid pour appliquer l’Instrument européen de voisinage et de partenariat (IEVP) qui entre le cadre de la nouvelle politique européenne de voisinage (PEV) et pour remédier à l’inefficacité meurtrière des dispositifs de surveillance et de secours déployés en mer Méditerranée ?
En externalisant le contrôle de ses frontières et en transférant la charge migratoire à d’autres pays, l’Espagne fuit ses responsivités tant juridiques que démocratiques. Le ministère espagnol de l’Intérieur a annoncé lundi soir dans un communiqué «le renforcement immédiat des effectifs de la garde civile et de la police nationale dans la zone» avec 200 agents supplémentaires. Une décision très tardive provenant d’un gouvernement qui réserve une piètre place aux impératifs sécuritaires ainsi qu’aux considérations juridiques et humanitaires.
En 2018 par exemple, quelque 3 100 migrants sont entrés à Ceuta et Melilla, selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM). Ils viennent s’ajouter aux plus de 25 000 arrivés en Espagne par voie maritime, faisant du pays la première porte d’entrée de l’immigration clandestine en Europe, devant l’Italie et la Grèce. Pour le moment, la récente «gestion de crise» due à l’intensification des assauts massifs de migrants subsahariens contre les grillages métalliques hyperfortifiés de Sebta et Melilia préoccupe toujours le gouvernement socialiste en Espagne.