L’Algérie célèbre mardi le 60e anniversaire de son indépendance après 132 ans de colonisation française. Alors que les tensions restent vives entre les deux pays, la France officielle a choisi dans ses messages de féliciter le peuple au lieu d’évoquer le régime algérien.
L’Algérie marque, mardi 5 juillet, le 60e anniversaire de son indépendance. Alors que le régime algérien se contente d’une parade militaire dans la capitale, la France officielle a préféré féliciter le peuple algérien, qui traverse une crise politique et sociale sans précédent.
Les plaies restent vives en Algérie alors que la France exclut toute « repentance » ou « excuses », bien que le président français Emmanuel Macron ait annoncé une série de gestes symboliques que le régime algérien a rejetés.
La relation bilatérale semblait avoir atteint son plus bas niveau en octobre 2021 lorsqu’Emmanuel Macron avait affirmé que l’Algérie s’était construite après son indépendance sur une « rente mémorielle », entretenue par le « système politico-militaire », suscitant une profonde polémique en Alger.
Mais beaucoup estiment que les tentatives de réchauffement des relations sont calculées. « Le rapide retour à une situation normale après la grave crise des derniers mois (…) est en rapport avec les tensions régionales, notamment en Libye, qu’il ne faudrait pas occulter ou minimiser », décortique Amar Mohand-Amer auprès de l’AFP.
« La géopolitique régionale très instable commande des postures fortes sur les moyen et long termes et la consolidation des relations politiques et économiques entre les deux pays », ajoute l’historien.
« Globalement, les relations entre l’Algérie et la France sont très bonnes, même s’il y a eu des séquences de tensions et des incidents diplomatiques », rappelle Brahim Oumansour.
« Il y a toujours eu de la coopération sur les questions sécuritaires », ajoute-t-il, citant en exemple le Mali et « le soutien de l’Algérie sur le plan logistique à l’opération Barkhane ».
« La France a longtemps été le premier partenaire commercial de l’Algérie, bien qu’elle soit aujourd’hui devancée par la Chine », souligne par ailleurs l’expert du Maghreb.
Pour le président du parti d’opposition Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), Athmane Mazouz, les « relations entre le système de pouvoir en Algérie et la France officielle sont rythmées par des crises et de pseudo-retrouvailles depuis l’indépendance du pays ».
« Au stade actuel, personne ne peut parier un sou pour parler de refondation. L’instrumentalisation de cette relation d’un côté comme de l’autre n’échappe à personne », ajoute-t-il.
L’historien Amar Mohand-Amer redoute que la politique de réconciliation mémorielle d’Emmanuel Macron ne soit mise à rude épreuve par les récents succès électoraux en France du parti d’extrême droite de Marine Le Pen, le Rassemblement national.
Marine Le Pen avait en effet réaffirmé en mars que « la colonisation avait contribué au développement de l’Algérie », reprochant au président français une politique consistant à « passer sa vie à s’excuser sans rien demander en contrepartie à un gouvernement algérien qui ne cesse d’insulter la France ».
« La montée fulgurante du Rassemblement national aux législatives en France n’augure rien de bon. L’extrême droite française va transformer ce mandat en un grand champ de bataille mémoriel où le révisionnisme et la falsification de l’Histoire seront omniprésents », met en garde Amar Mohand-Amer.
Sur le plan intérieur, le pouvoir a mis à profit l’anniversaire pour tenter d’alléger les crispations, trois ans après avoir été ébranlé par les manifestations prodémocratie du Hirak.