Nabil Benabdellah est amer. Depuis sa décision de quitter la majorité, il multiplie les griefs sur l’action gouvernementale. Devant les bases de son parti, hier, il a déploré l’absence d’une intervention publique de la nouvelle équipe remaniée. Travail, emploi, chômage : le gouvernement est sans souffle, a-t-il affirmé.
Le 19 octobre, à Casablanca, lors d’une rencontre régionale, le chef de file du Parti du progrès et du socialisme (PPS), Nabil Benabdellah, le regard vif, la voix vibrante, s’interroge : quel sens donner à la séquence politique des derniers mois, prolongée par la période de mise en place du nouveau gouvernement ? Dépité, après avoir quitté la majorité avec pertes et fracas, il parle de «valeurs», de «moralité», emploi des métaphores topographiques : les «limites», le «pas franchi», «les confins», «il est sorti de» ou, à l’inverse, «rebâtir la confiance». Évidemment, son nouveau positionnement est une bonne justification de ces postures verbales : à l’opposition, libre de ses attaches d’avec le PJD, tout peut être dit. Puis, une confession, tardive : «l’éviction de Charafat Afilal [ex-ministre déléguée auprès du ministre de l’énergie, des mines, de l’eau et de l’environnement, chargée de l’eau] était un coup dur pour le PPS. C’est à partir de là que la rupture a commencé à se profiler.»
Selon Nabil Benabdellah, le gouvernement n’a pas pris la mesure des énormes chantiers dont il a la charge, il a agit sans stratégie, s’enveloppe dans une ambiguïté qui lui est confortable sur l’emploi, sur la politique sociale et même sur la fiscalité. L’attente est pesante, le gouvernement se contente de «marqueurs» a-t-il affirmé, qui engendrent plus de perplexité que d’éclaircissements. Il a insisté, également, sur la volonté de placer la justice et la solidarité au cœur du modèle espéré.
Nabil Benabdellah, au cours de son allocution, a asséné ses vérités dans une démarche prospective: « Nous sommes sortis du gouvernement car la situation est devenue insoutenable », «la légitimité populaire est une caution démocratique» ; «sur le plan des négociations collectives et des politiques économiques, aucun changement de cap significatif n’a été observé.» Dans quelques secteurs économiques, a-t-il tonné, la rente, les situations de monopole et et la profitabilité sauvage règnent sans conteste.
Le constat a été dressé : le travail et l’emploi sont des domaines négligés par le gouvernement, il faut un «souffle» dit Nabil Benabdellah, et «porter l’ambition d’une profonde refonte des politiques sociales et de mettre à l’ordre du jour une réelle reconfiguration des priorités relatives à la jeunesse». Il invite le gouvernement à donner fortement de la voix dans ce contexte difficile. «Les politiques de la santé, de l’éducation, de la formation professionnelle, de l’emploi, et d’aide aux plus démunis ne doivent faire l’objet d’aucune concession» a-t-il professé. «Dans le contexte économique et social difficile qui s’impose, le gouvernement reste inaudible, gérant difficilement ses divisions. Sa mobilisation dans la l’élaboration d’un projet solide dans le contexte de creusement des inégalités et de la dette publique reste contestable».
Sous-jacente au reproche de manque de souffle asséné ici ou là au programme économique et social de la coalition, une question lancinante resurgit : le PJD ne se situe-t-il pas trop exclusivement, in fine, dans une logique d’opposition dans laquelle deux partis de gouvernement confrontent leurs offres politiques ? Si, à en croire Nabil Benabdellah, qui déplore la guerre larvée entre le Rassemblement national des indépendants (RNI) et le Parti de la justice et du développement (PJD), alors que le Roi Mohammed VI, dans son discours devant les membres des deux chambres du Parlement à l’occasion de l’ouverture de la première session de la 4eème année législative de la 10ème législature, a appelé tous les acteurs politiques à faire montre «d’une volonté ferme d’œuvrer dans un esprit de collaboration et d’unité, [d’]une mobilisation vigilante «caractérisées par le souci de transcender les vaines querelles et d’enrayer toute perte de temps et d’énergie».