Des flyers pullulent dans la ville de Tanger, critiquant «le code vestimentaire dissolu de certaines jeunes femmes de la ville». Une enquête est ouverte.
Plusieurs flyers à Tanger qui protestaient contre la tenue «jugée contraire aux bonnes mœurs» de certaines femmes, diffusées sur les réseaux sociaux, ont provoqué l’indignation. Les auteurs de ces brochures, qui vraisemblablement ont mené une action concertée dont le point de ralliement était le centre-ville de Tanger, condamnent des habits qui constituent un «outrage à la pudeur, lié à la honte, au déshonneur», marqueurs, selon eux, de «décadence et de la négligence éducative des parents». D’autres affiches critiquent les jeunes qui s’adonnent aux soins du corps (fitness) et dont la démarche «contredit l’idéal religieux».
«Ces individus qui suggèrent encore de comprendre le vêtement dans son contenu idéologique, lequel s’insère dans un système formel, archaïque, normatif, consacré. C’est condamnable à tous les niveaux», affirme une source proche du dossier à barlamane.com, laquelle ajoute : «la vie des femmes et les représentations féminines, ainsi que sur le regard masculin porté sur les femmes, indicateurs qui doivent être étudiés en profondeur».
Tout en reprenant les stéréotypes conservateurs, les auteurs des brochures parlent de «tristes débauches» ou d’«actes répugnants» pour manifester leur réprobation face à la liberté vestimentaire féminine. Des militants des droits remettent en cause «une machine répressive» qui se donne le pouvoir d’établir le caractère public des outrages aux mœurs. «Collages sexistes, comparant celles qui sont dénudées en vêtements serrés à des marchandises», s’indigne Ibtissam Lachgar, militante féministe du Mouvement alternatif pour les libertés individuelles (MALI).
Plusieurs voix appellent à «revoir l’article 483 du Code pénal, car l’habit est une liberté individuelle» et d’«accélérer l’adoption de la loi criminalisant la violence à l’égard des femmes». Les progrès réalisés sur le front culturel déplaisent encore à plusieurs courants conservateurs, qui voient d’un mauvais œil la libéralisation des relations entre jeunes, hommes et femmes, surtout dans les grandes villes. L’effervescence intellectuelle et artistique qui a touché aussi bien le cinéma, le théâtre, la littérature et la peinture est sans cesse remise en question par lesdits courants, encore qu’elle ait entraîné une restructuration en profondeur des rapports au sein de la société marocaine.