Le chef du Gouvernement Abdelilah Benkirane, par ailleurs dirigeant du Parti justice et développement (PJD) a publié un communiqué dans lequel il se dit attristé par la mort du poissonnier d’Al Hoceima Mouhcine Fikri, et la façon avec laquelle il est décédé, alors que le secrétaire général du Parti authenticité et modernité (PAM) Ilyas el Omari a demandé des éclaircissements aux autorités marocaines au sujet de ce drame, et à la Chambre des conseillers de convoquer une réunion extraordinaire consacrée à cette affaire.
Au lieu que Benkirane, chef de l’administration, donne ses instructions au ministre de l’Intérieur afin qu’il diligente une enquête et sanctionne les personnes impliquées, il a préféré la fuite en avant en publiant un communiqué solidaire avec la famille de la victime, comme s’il opérait hors de l’autorité. Une telle attitude laisse présager de ce que sera son second mandat au cours des cinq prochaines années, autrement dit: chef de gouvernement durant la semaine, et dirigeant de l’opposition les weekends avec son sempiternel discours sur les « diables et crocodiles » et l’Etat profond.
Et au moment ou la population à Al Hoceima était en train d’enterrer le corps de l’un des leurs, Benkirane était en train de négocier avec Aziz Akhannouch les maroquins au sein du futur gouvernement, ce qui est scandaleux comme c’est le cas également pour ce dernier qui inaugure ainsi sa nouvelle mission à la tête du Rassemblement national des indépendants (RNI) en négociant un partage du gâteau, alors qu’il gère toujours le département des pêches, un secteur auquel appartenait de son vivant Mouhcine, un département qui a annoncé que le poisson de la victime était interdit de commercialisation.
Quant à Ilyas el Omari, au lieu de s’expliquer devant son parti sur son échec cuisant à remporter le scrutin législatif du 7 octobre dernier, faire son autocritique et prendre la décision qui s’impose à l’instar de grands dirigeants dans le monde dans pareille occasion, il a préféré exploiter ce drame pour revenir par la fenêtre dans une tentative de renouer avec l’opinion publique, alors qu’il vient juste d’être éjecté par la grande porte par les électeurs. Les enfants du Rif ignorent-ils que la benne à ordure qui a broyé Mouhcine Fikri fonctionne ainsi que son équipage sous ses ordres et sous le contrôle du Conseil de la ville d’Al Hoceima qui relève de la Région qu’il préside?
En attendant les résultats de l’enquête que mène la brigade nationale de la police judiciaire, la question qui s’impose est: en quoi la Chambre des conseillers est-elle concernée par une affaire qui n’est qu’au début d’une d’enquête ?
La mission constitutionnelle du parlement consiste à élaborer des lois et à contrôler le gouvernement et non pas à établir des procès verbaux des accidents de la route et des crimes qui relèvent des services de sécurité.
C’est à se demander si les autorités publiques sont devenues pour Benkirane et el Omari ce bouc émissaire qu’on utilise chaque fois pour fuir leurs responsabilités et dissimuler leurs erreurs et leurs échecs et partant, mettre tout sur le dos des autres.
Le peuple marocain, y compris Benkirane et el Omari, ont plus que jamais besoin d’un Etat fort pour faire face aux défis et aux dangers réels, non pas à ceux qui relèvent de la fiction, des dangers tels que celui du terrorisme qui a transformé plusieurs pays en enfer, celui de la guerre civile.
Il aurait fallu que le président de la Région Tanger-Tétouan et au chef du Gouvernement ainsi qu’ aux élus de se précipiter sur le lieu du drame pour savoir ce qui s’est passé, et prendre les mesures nécessaires, au lieu de prendre des positions opportunistes et renvoyer la balle dans le camp des autorités et des services de sécurité.
Exploiter la marche d’Al Hoceima par les partis du PJD et du PAM à des fins politiciennes, relève du crime contre la famille du défunt, la région et contre tout un peuple.
L’opinion publique nationale et internationale a suivi de près le conflit à couteaux tirés entre les deux partis et leurs dirigeants, un conflit qui n’avait rien à voir leurs programmes, mais avec deux personnes qui constituent deux faces d’une même monnaie car partageant plusieurs choses en commun. Les deux hommes sont connus pour diriger d’une main de fer leur formation politique, qui n’acceptent pas la critique, encore moins le partage du leadership. deux spécimen qui disent une chose et son contraire, craignent la presse, et qui n’hésitent pas à s’en prendre aux institutions de l’Etat y compris à sa monarchie, à son ministère de l’intérieur et à ses services de sécurité pour caresser dans le sens du poil leurs électeurs. Toux deux excellent dans l’art de la rhétorique, la comédie et le folklore pour s’attirer l’attention au détriment d’un programme politique, économique et social, grand absent durant le dernier scrutin législatif.
Deux hommes prompts à verser des larmes devant les cameras en parlant chacun de sa mère, Al Hajja Maftaha pour Benkirane que les marocains connaissent désormais pour avoir fait l’objet d’une attention particulière de la part du roi Mohammed VI qui lui a offert un cadeau, et Khadija pour Ilays el Omari, une femme qui élevait des poules. Les électeurs marocains ont pu également découvrir que l’épouse de Benkirane s’appelle Nabila, et celle d’el Omari Fatiha.
Deux hommes qui ont échangé tous les noms d’oiseaux avec l’un appelant à ne pas voter pour « le clown » (allusion à Benkirane) et l’autre pour le « bandit » (allusion à el Omari). Et c’est ainsi que le scrutin législatif qui avait débuté des mois avant son délai légal, a permis à ces deux hommes à s’attirer la sympathie de 43% des électeurs « fans » du « clown » et du « bandit », alors que 57% ont préféré rester chez eux s’abstenant ainsi à participer à ce cirque.
A-t-on jamais entendu un certain Mariano Rajoy raconter des histoires sur sa grand mère aux électeurs afin de convaincre l’électeur espagnol à voter pour sa formation politique, le Parti Populaire (PP)?: la réponse est Non. A-t-on jamais vu un citoyen allemand s’intéresser à la vie du beau frère d’Angela Merckel avant de voter pour elle?: non plus, encore moins un Ali Bongo verser des larmes sur la tombe de son père en quête des voix des électeurs gabonais.
Le temps n’est-il pas arrivé pour Benkirane et Ilyas el Omari de « dégager » après avoir fait preuve d’irresponsabilité et d’immortalité, et après avoir contribué à la dégradation de cet art noble qu’est la politique?
Que Mouhcine Fikri repose en paix et qu’il sache qu’il y a dans ce pays un dirigeant, un vrai, qui, lui, n’oublie pas ses citoyens, et qui du fin fond de la jungle de Tanzanie a exprimé sa tristesse et sa compassion à la famille du défunt. Un dirigeant dont le cœur bat au même rythme que celui de ses concitoyens, et qui s’appelle Mohammed VI.






