«Notre échec ouvrirait la voie à l’extrémisme», avait déclaré, au début de son mandat en 1998, Abderrahmane Youssoufi, ancien Premier ministre, mort ce vendredi 29 mai, à 96 ans.
L’ancien premier ministre marocain Abderrahmane Youssoufi est mort à l’âge de 96 ans, a annoncé vendredi sa famille. Les radios et les télévisions bouleversent aussitôt leurs programmes, les hommages affleurent. L’ancien dirigeant socialiste avait été hospitalisé il y a quelques jours à la suite d’un« malaise ». Il était l’homme de l’union sacrée et une figure vénérée de l’Union socialiste des forces populaires (USFP). Pendant quatre années et demie d’alternance, il incarna espoirs et attentes. M. Youssoufi a raconté comment, fraîchement désigné, en février 1998, lui et Hassan II, au cours d’un entretien sans témoin, avaient juré sur le coran d’œuvrer ensemble «pour l’intérêt du pays».
Au printemps 1998, il a été nommé à la tête d’un gouvernement d’alternance consensuelle. Mission principale : sauver un pays à la dérive. Il a accepté la responsabilité de la primature dans un contexte très délicat et, vite, il s’impose comme un rassembleur. La douloureuse émotion causée par sa mort a été ressentie bien au delà des limites de la sphère politique. Aux arides débuts de son mandat, il savait exciter l’intérêt du peuple par des éclaircissements sur tous les sujets du moment, par une chaleur d’expression égale à celle qu’il mettait dans ses écrits à commenter les péripéties du pouvoir.
En 2003, il démissionne de de l’USFP et se retire de la vie politique à 79 ans et après cinquante ans d’activité. l’Union socialiste des forces populaires, naguère, fut une des deux principales formations de la coalition gouvernementale. Ce fut le départ d’un homme intègre, qui a voulu imposer un rythme plus rapide aux réformes malgré les difficultés, et qui aura permis aux socialistes d’accéder aux hautes sphères du pouvoir pour la première fois dans l’histoire du Maroc.
Nulle personne, quelle que soit son courant et son opinion. ne peut refuser du respect à cet homme. Le peuple juge lui-même son avènement au pouvoir comme un de ces événements consacrés par le suffrage des hommes et de l’histoire. Tel est le privilège des grands caractères. Il semblait si peu appartenir à l’âge moderne, qu’il a imprimé, dès son vivant même, une trace auguste et antique à tout ce qu’il a osé exécuter.
«Notre échec ouvrirait la voie à l’extrémisme» a-t-il déclaré en 1998. Il faut travailler au Maroc par consensus, a-t-il clamé un jour. Et il avait raison. Le Maroc gardera le souvenir d’un homme qui ne céda jamais aux mouvements de l’ambition, et qui se prodigua sans cesse aux besoins de sa patrie ; un homme, qui, par une destinée peu commune à ceux qui changent le cours des événements, mourut en paix, respecté, dans sa terre natale, où il avait occupé le premier rang.