Les appels au boycott de produits français se sont multipliés dans plusieurs pays du Moyen-Orient après qu’Emmanuel Macron a promis de ne pas «renoncer aux caricatures» du prophète de l’islam lors d’un hommage rendu au professeur assassiné Samuel Paty.
La France a appelé, dimanche 25 octobre, les gouvernements des pays concernés à faire «cesser» les appels au boycott de produits français et à manifester, provenant d’une «minorité radicale», leur demandant aussi d’«assurer la sécurité» des Français vivant sur leur sol.
«Les appels au boycott sont sans aucun objet et doivent cesser immédiatement, de même que toutes les attaques dirigées contre notre pays, instrumentalisées par une minorité radicale», a déclaré le ministère des affaires étrangères dans un communiqué.
Ces appels se sont multipliés dans plusieurs pays du Moyen-Orient après que le président de la République, Emmanuel Macron, a promis de ne pas «renoncer aux caricatures» du prophète Mohammed. Le mouvement avait commencé à émerger vendredi sur les réseaux sociaux à travers des hashtags en arabe.
Le chef de l’Etat français s’était exprimé jeudi lors d’un hommage au professeur Samuel Paty, assassiné par un islamiste après avoir montré à ses élèves de quatrième, dans le cadre d’un cours sur la liberté d’expression, des dessins de Mahomet – les représentations du Prophète étant interdites dans la tradition musulmane.
«La liberté, nous la chérissons», a publié le président Macron sur Twitter.
Dimanche dans la soirée, Emmanuel Macron s’est exprimé sur Twitter en trois langues, fait rare. «Notre histoire est celle de la lutte contre les tyrannies et les fanatismes. Nous continuerons», a écrit le président Macron, également cible d’attaques directes de son homologue turc Recep Tayyip Erdogan.
Et d’écrire en français, en anglais et en arabe :
«Nous continuerons. Nous respectons toutes les différences dans un esprit de paix. Nous n’acceptons jamais les discours de haine et défendons le débat raisonnable. Nous continuerons. Nous nous tiendrons toujours du côté de la dignité humaine et des valeurs universelles.»
Appels au boycott et critiques dans le monde musulman
Depuis vendredi, la Turquie, l’Iran, la Jordanie ou encore le Koweït ont dénoncé la publication de caricatures, tandis que l’Organisation de coopération islamique, instance qui réunit les pays musulmans, a déploré « les propos de certains responsables français».
Au Qatar, les chaînes de distribution Al-Meera et Souq Al-Baladi ont ainsi annoncé qu’elles «retiraient» les produits français des magasins jusqu’à nouvel ordre. Dans un des magasins d’Al-Meera, un correspondant de l’Agence France-Presse (AFP) a vu des employés enlever des étagères des confitures de la marque St. Dalfour. L’Université du Qatar a par ailleurs annoncé, vendredi sur Twitter, le report de la semaine culturelle française à la suite de «l’atteinte délibérée à l’islam et à ses symboles».
Au Koweït, des images montrant les fromages Kiri et Babybel retirés des rayons de certains magasins ont été relayées sur les réseaux sociaux. Une soixantaine de sociétés coopératives œuvrant dans le secteur de la grande distribution au Koweït ont annoncé un boycott des produits français, a précisé à l’AFP le vice-président de la Fédération des coopératives, Khaled Al-Otaibi : «Nous avons retiré tous les produits français, à savoir les fromages, les crèmes et les cosmétiques, des rayons et les avons restitués aux agents agréés de ces marques au Koweït.»
Quelque 430 agences de voyages du Koweït ont par ailleurs suspendu les réservations de vols vers la France, a fait savoir le chef de la Fédération des agences de voyages de l’émirat. En Jordanie, le Front d’action islamique, un parti d’opposition, a appelé les citoyens à boycotter les produits français.
Les pays du Golfe, notamment le Qatar, l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis, représentent un marché de plus en plus important pour les exportations de l’industrie agroalimentaire française.
Passe d’armes entre Paris et Ankara
La tension est également montée d’un cran entre Paris et Ankara à propos des caricatures de Mahomet et de la réaction des autorités françaises après l’attentat qui a coûté la vie au professeur d’histoire-géographie Samuel Paty.
Samedi, lors d’un discours télévisé, le président turc s’était attaqué directement à Emmanuel Macron : «Tout ce qu’on peut dire d’un chef d’Etat qui traite des millions de membres de communautés religieuses différentes de cette manière, c’est : “Allez d’abord faire des examens de santé mentale”.»
Jugeant ces propos «inadmissibles», le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian, a dénoncé dimanche de la part de la Turquie «une volonté d’attiser la haine» contre la France. L’ambassadeur de France en Turquie a été rappelé «pour consultation».
Le haut représentant de l’Union européenne (UE) pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Josep Borrell, a dénoncé dimanche des «propos inacceptables» de la part du président turc et a appelé «la Turquie à cesser cette spirale dangereuse de confrontation».
Dans la bande de Gaza, des protestataires ont brûlé des photos du président français.