Pour Hafsa Boutahar, il était fort désagréable pour plusieurs parties d’entendre sa voix dans l’affaire qui l’oppose à Omar Radi. Si formalistes qu’elles étaient tout disposées à croire uniquement la version de l’accusé. Procédé dilatoire sans doute, mais réprouvé par la morale, rapporte MS Magazine qui consacre une longue analyse à ce dossier. Hafsa résiste, l’assiduité de son courage et son impassible persévérance face à une obstination importune et une sorte d’acharnement à la décrier retiennent l’attention.
Elle s’appelle Hafsa Boutahar, victime de viol, confrontée à une cabale en règle menée par l’entourage de l’homme qu’elle accuse, Omar Radi. Alors que les grandes prérogatives de la défense ainsi que la possibilité de parcourir les divers degrés de juridiction dans cette affaire lui dont garanties, la victime souffre en silence. «Les honteuses propositions pour me faire taire et l’appareil extraordinaire que les soutiens de l’accusé déploient pour me faire taire ne marcheront pas». Pour elle, «ils réduisent l’instruction à ses activités professionnelles alors que de graves actes qualifiés par la pénalité judiciaire pèsent sur lui. Une mise à néant de ma souffrance et de ma voix, entachée d’exagération et de calomnie» déplore Mme Boutahar qui affirme : «Leur imagination est une lunette aux verres grossissants, et ils voient dans une affaire pénale un volet soi-disant politique. Ils s’évertuent cependant à tout insinuer dans ce sens.»
Ms. Magazine ou Ms., un magazine féministe et libéral new-yorkais, a retracé l’histoire dès le début à travers un article de l’avocate Elisabeth Myers, ainsi que les positions des soutiens de Omar Radi, disposées à remettre en cause la sincérité de la victime. «Après beaucoup de réflexion, Hafsa Boutahar, a décidé de se rendre au parquet 10 jours après le viol présumé. Maintenant pendante devant un tribunal de Casablanca». «Le récit répandu dans les médias, cependant, l’a dépeinte non pas comme une victime de viol, mais comme un outil que l’État marocain utilise pour faire taire un journaliste décrit comme perturbateur» pointe la même source qui évoque le train de vie de Omar Radi, ses habitudes jugées dépravées, ses débordements sous un air de bonne compagnie et les tentatives d’étouffer la voix réprobatrice de Mme Boutahar au milieu du fracas entourant la situation de l’accusé.
Mais, depuis, les choses ont évolué. Dans un long thread posté sur son compte Twitter, Reda Zaireg, auparavant soutien inconditionnel de Omar Radi, reconnaît qu’«il faut partir sur un discours juste, respectueux de toutes les parties, et fondé sur des choses incontestables, consensuelles et universellement reconnues» dans l’affaire de Omar Radi, mais aussi celle de Soulaiman Raissouni, Le juge d’instruction près de la cour d’appel de Casablanca a décidé, accusé «d’attentat à la pudeur avec violence et séquestration» par un militant pour les droits des personnes LGBT.
«Malgré l’immédiateté de sa déclaration et la clarté avec laquelle elle a raconté les détails du viol, depuis le dépôt de sa plainte, Mme Boutahar a été vilipendée dans la presse, sur les réseaux sociaux et par de nombreux collègues journalistes et anciens amis. Presque tous ont pris le parti de Radi, écartant sa version de histoire et l’appelant un jouet / ou une conspiration avec l’État afin de faire tomber ce dernier» pointe MS Magazine.
«Mme Boutahar a été dénigrée publiquement – et de manière contraire à l’éthique – par les avocats défendant Radi dans l’affaire de viol en cours» évoque MS Magazine. «J’étais visée par un torrent de reproches préparés d’avance. C’est moi qui suis persécutée. Depuis huit mois, depuis un an, on m’attaque dans ma santé et dans mon repos. On me salit, on répand de fâcheuses récits sur moi, et je dépense une notable partie de mes forces à obtenir les destitutions qu’on m’entende», a déclaré Mme Boutahar avant quelques semaines.
«Les conséquences négatives de s’être manifestées ont été importantes pour Mme Boutahar. Non seulement elle a également perdu son emploi chez Le Desk, mais elle a fait face à un harcèlement constant dans des tweets et des publications Facebook. Son compte Twitter a été inondé d’hommes l’agonaisant d’injures, et leurs réponses tweetées dans le dialecte marocain sont plus que vulgaires. Ils ont menacé de publier des photographies prétendument compromettantes d’elle» rapporte la même source.
«Depuis qu’elle a porté plainte, Mme Boutahar a été calomniée à maintes reprises, confrontée à l’hostilité du public, à l’ostracisme et à des menaces flagrantes. Cette campagne soutenue de harcèlement a nui à sa santé physique et mentale» souligne la même source.
«Mme Boutahar a contacté des organisations de défense des droits humains au Maroc et ailleurs. La plupart des organisations internationales de défense des droits humains l’ont simplement ignorée. La principale ONG marocaine de défense des droits humains, l’Association marocaine des droits de l’Homme (AMDH) a catégoriquement rejeté sa demande» rappelle MS Magazine.
«Lorsqu’elle a demandé de l’aide et du soutien, l’AMDH l’a interrogée comme une criminelle, selon Mme Boutahar. Avant même de l’avoir rencontrée, ils ont transmis sa demande écrite demandant une audience avec les responsables de l’ONG à son présumé violeur pour la commenter», a-t-on dévoilé. «De nombreux médias ont évoque cette histoire avec une couverture unilatérale sans contacter la victime. L’exemple le plus flagrant, selon Mme Boutahar, est l’éditorial du Washington Post critiquant les accusations de viol du procureur du roi contre Radi. Elle a dit que le journal de la capitale des États-Unis ne l’avait pas contactée».
«Ce qui est le plus frappant, c’est que non seulement des journalistes se sont liguées contre elle, mais aussi des militants des droits de l’homme dont on pourrait s’attendre à défendre les droits d’une victime présumée de viol. La mentalité de blâmer la victime est si ancrée et le tabou relatif à la dénonciation d’un viol est si impérieux que sa voix a été marginalisée. Le contrecoup effectif est que son viol a été subordonné à l’idéal, supposé supérieur, de la liberté de la presse» commente MS Magazine.
«La liberté de la presse n’a pas préséance sur les droits des femmes. Les récits des victimes doivent être prises au sérieux. Ces dernières méritent d’être traitées avec respect et dignité. Elles méritent de se faire entendre. Elles ne devraient pas être réduites au silence par la presse ou devant le tribunal de l’opinion publique. Elles méritent de réclamer justice» assure la même source. «Le fait que des journalistes agissent autrement est contraire aux directives professionnelles sur la manière dont ils devraient traiter les victimes: équitablement, et non par souci de corporatisme.»
«Mme Boutahar a décidé de défendre son récit, de recouvrer sa dignité et de demander justice. Malgré les réactions négatives qui l’ont manifestement éprouvée, elle a été infatigable dans sa bataille pour l’équité et les droits des femmes. Le 10 mars, elle a tenu une conférence de presse et s’est prononcée contre certaines ONG humanitaires qui ont trahi leur mission. Ils ne l’ont pas écoutée, a-t-elle affirmé, et encore moins soutiennent son droit de demander justice devant un tribunal. Elle a exhorté les femmes à dénoncer la violence sexuelle, même lorsque les organisations de défense des droits humains locales et internationales leur tournent le dos»
«Ce qui m’est arrivé est vrai», dit-elle. «Je me bats seule et je ne m’arrêterai pas tant que je n’aurai pas retrouvé ma dignité.»