Maati Monjib, visé par une enquête préliminaire pour «blanchiment de capitaux» et condamné à un an de prison le 27 janvier pour «fraude» et «atteinte à la sécurité de l’Etat» est remis en liberté fin mars a donné le ton. Le soixantenaire, qui conteste sans cesse l’indépendance de la justice marocaine et la conformité des procédures, fustige «le rôle des services de sécurité et la police politique» dans ses ennuis judiciaires. Plutôt qu’une rhétorique, un discours soviétique éculé.
La machine est bien rôdée pour bien noyer le poisson, pour entraîner des instructions judiciaires comme d’infimes canots ballottés dans le sillage d’un navire. Le vocabulaire est bien choisi : «prisonniers d’opinion», «procès inéquitables», «détention arbitraire», «arrestation abusive», «protester contre l’injustice», «favoriser leur mise en liberté», «presse de diffamation» etc. Récemment, le terminologie utilisée a pris une tournure de plus en plus complotiste : «structure secrète», «police politique», «vengeance», «officines sécuritaires», etc. Appelés à rendre compte de leurs méfaits devant la justice, Maati Monjib, Omar Radi; Soulaiman Raissouni donnent toute liberté à leurs fantaisies. Et leurs soutiens ébruitent leur petite musique infernale.
Interpellé le 29 décembre 2020 dans le cadre d’une enquête préliminaire pour «blanchiment de capitaux», Maati Monjib a parallèlement été condamné à un an de prison le 27 janvier pour «fraude» et «atteinte à la sécurité de l’Etat» au terme d’un procès ouvert en 2015. Celui-ci concerne des accusations de malversations dans la gestion d’un centre qu’il avait créé, financé par des fonds étrangers. Libéré fin mars, Monjib, toujours épris de boursouflure et d’effets de mise en scène, a déclaré devant un parterre de la presse qu’il est visé par la «police politique» et les «services de sécurité», pour «sa liberté de ton»; confirmant la nouvelle stratégie employée pour s’esquiver de la justice : le recours à une certaine doxa conspirationniste, à l’idée de mettre plus de grands mots et d’équivoques que de réalités dans les déclarations. «Cette dérive semble être passée à l’état chronique. Non seulement les promoteurs de ce conspirationnisme ne se sont pas dispensés de recourir à ce langage douteux, mais également ils ont compté avec certaines influences étrangères pour les diffuser» a-t-on assuré.
«Police politique signifie terreur, purges, répression orientée. Cette rhétorique stalinienne ne reflète que l’extravagance de la plupart des attaques dirigées contre le système judiciaire marocain. Qu’il se soit trouvé des voix pour légitimer de pareilles abominations et des supports pour y applaudir, voilà qui relève uniquement d’une étrange démarche qui recommande, encourage, excite ouvertement à outrepasser la loi» soutient une source proche du dossier.
Omar Radi, accusé d’avoir reçu des «financements étrangers», d’«atteinte à la sécurité intérieure de l’Etat» et de «viol» dans deux affaires jugées conjointement devant la chambre criminelle de la cour d’appel de Casablanca suit le même chemin. Son groupe de soutien diffusent des contenus soutenant la thèse d’une «vengeance» et d’une «approche sécuritaire», derrière ses ennuis judiciaires. Des exercices de voltige sur la corde raide qui finissent par lasser tout le monde, sauf le journal Le Monde et certaines ONG. Les proches de Soulaiman Raissouni, ex-rédacteur en chef éphémère du défunt journal Akhbar al-Yaoum, poursuivi pour «attentat à la pudeur avec violence» et «séquestration» , après une plainte déposée par un militant de la cause LGBT, soutiennent également que «les menées occultes d’un parti machiavélique» sont dernière son incarcération.
Les soutiens de ces trois individus tranchent avec tant d’assurance et d’intolérance sur leurs affaires, sans faire acte de respect envers ceux qui ont pour mission souveraine d’interpréter et d’appliquer les lois. Ils auraient même dans la pensée de substituer leur jugement au leur. La justice a fait une vaste enquête, entendu de nombreux témoins, eu sous la main des pièces importantes, a pu réunir mille moyens d’information pour éclairer les zones d’ombre. Les nécessités de la polémique n’expliquent nullement les attaques contre le Maroc et ses institutions.
Intimidations, tribunes et agitations convulsives
Le journal Le Monde a proposé en moins de deux semaines trois lectures orientées des affaires Radi-Raissouni-Monjib, lesquelles s’adossent souvent à une vision manichéenne du monde. Leurs victimes ont été sacrifiées, d’ailleurs en sourdine, parce qu’elles avait mal contenu la révolte de leur honnêteté et de leur souffrance. Sur Twitter, le champ des certitudes reste très limité ; celui des soupçons va toujours en s’élargissant. Une congrégations de comptes anonymes, militants, égarent leurs followers sur des pistes trompeuses. Par le biais de threads (série de tweets) ces comptes accréditent des informations peu vérifiées et travestissent les faits. Cette propagation prend souvent le caractère de la diffamation et de l’injure. a organisé autour de ses idées une propagande effrénée. «Articles, tribunes brochures, démarches de tous les genres, rien ne semblait pouvoir épuiser la dévorante activité de certaines parties pour disculper ces individus, présentés à tort comme accusés de délits de presse» poursuit notre source.
«Je crois en la justice et je suis sûre qu’elle se montrera inflexible pour me établir dans mes droits. Ces coupables intrigues qui me visent en tant que victime de viol, tous ces faits si violemment commentés, dénaturés et envenimés n’ont réellement pas l’importance qu’on veut leur donner. Ils sont de l’ordre le plus mesquin» affirme la victime de Omar Radi, Hafsa Boutahar, qui affronte une vague d’intimidation décomplexée.
Pour Adam Muhammad, accusateur de Soulaiman Raissouni, «on en vient à ramener la suspicion dans des affaires de droit commun, on m’attaque parce que je suis différent, afin de tout compromettre, et les garanties des lois et la dignité de la justice, peut-être le déroulement des instructions et des procédures elles-mêmes». Pour lui, la coterie de son agresseur «désespère d’agir sur l’opinion, et croit sérieusement pouvoir agir sur les hommes de loi». Quoi qu’en pensent, ou plutôt quoi qu’en disent les adeptes des Radi & co, les meilleures raisons du monde, les mieux justifiées, les plus convaincantes appartiennent à Hafsa Boutahar, à Adam Muhammad, à toutes les victimes lésées.
Le plus dangereux c’est que Omar Radi, Soulaiman Raissouni, Maati Monjib se trouvent éliminés de leurs propres affaires, telles qu’elles se sont accrues, développées, transformées, déformées par suite des machinations alimentées par «leurs comités de soutien» et leurs apologistes. «Ils espèrent par des moyens indirects, suspects, et coupables, à faire sortir ces questions du terrain juridique afin des les poser sur un autre» a-t-on précisé. Les voix modérées tiennent pour constant que seuls les faits qui se sont produits, ou ont été découverts, sont de nature à établir l’innocence ou la culpabilité des concernés. «On aperçoit distinctement les fils de la trame serrée qui se tisse sous l’effort de certaines mains, mais s’il y a eu délits, la justice le dira infailliblement; c’est là sa mission et son œuvre», a-t-on assuré.