Sept civils sont morts aux abords de l’aéroport, vraisemblablement écrasés par la foule. L’ambassade américaine évoque de «potentielles menaces de sécurité» pour ses ressortissants sur place.
Sept civils afghans sont morts dans le chaos près de l’aéroport de Kaboul, où des milliers de personnes se massent pour tenter d’évacuer le pays après la prise de pouvoir des talibans, a annoncé dimanche 22 août le ministère britannique de la Défense.
Des images terrifiantes de corps écrasés
Des images tournées par Sky News montrent les corps d’au moins trois personnes, vraisemblablement écrasées par la foule qui se presse contre les portes de l’aéroport, pris entre les soldats américains d’un côté et les combattants islamistes de l’autre. Les personnes à l’avant de la foule ont été «écrasées» et les médecins se sont précipités d’un blessé à l’autre, a dit Stuart Ramsay, journaliste de cette chaîne d’information britannique qui se trouvait à l’aéroport. Les images montrent aussi de nombreux blessés.
Samedi, les routes menant à l’aéroport de Kaboul continuaient d’être congestionnées. Des milliers de familles se massaient encore devant l’aérodrome, espérant monter par miracle dans un avion. Devant elles, des militaires américains et une brigade des forces spéciales afghanes se tenaient aux aguets pour les dissuader d’envahir les lieux.
Derrière eux, des talibans, désormais accusés de traquer des Afghans ayant travaillé pour l’Otan pour les arrêter et de restreindre l’accès à l’aéroport qu’ils souhaitent quitter à tout prix, observaient la scène.
«Potentielles menaces»
Samedi, l’ambassade américaine à Kaboul a appelé ses ressortissants à éviter de s’approcher de l’aéroport pour cause de «potentielles menaces de sécurité». «Nous conseillons aux citoyens américains d’éviter de se déplacer vers l’aéroport et d’éviter les portes de l’aéroport pour le moment, à moins que vous ne receviez des instructions individuelles d’un représentant du gouvernement américain pour ce faire», détaille le bulletin publié sur le site internet de l’ambassade. La nature de ces menaces n’a pas été précisée, mais un responsable de la Maison Blanche a fait savoir que Joe Biden avait discuté samedi matin avec de hauts responsables de son gouvernement «de la situation sécuritaire en Afghanistan et des opérations de contre-terrorisme, y compris l’EI», le groupe État islamique.
Le porte-parole du Pentagone, John Kirby, a refusé de donner des précisions sur la nature du danger: «Je ne vais pas détailler notre évaluation des menaces, ni ce que disent les services de renseignement», a-t-il déclaré durant une conférence de presse, précisant que la situation dans la ville était très «fluctuante» et que les risques pouvaient évoluer «d’une heure à l’autre». «Nous continuons d’avoir des communications régulières avec les dirigeants talibans à Kaboul, notamment ceux en charge des points de passage à l’aéroport», a-t-il déclaré.
Pour le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell, il va être «impossible» d’évacuer tous les collaborateurs afghans des pouvoirs occidentaux avant le 31 août. L’administration américaine a fixé à cette date le retrait définitif de ses forces d’Afghanistan, et espère évacuer d’ici là tous les Américains (entre 10.000 et 15.000 personnes), et faire de même pour leurs alliés Afghans et leurs familles (entre 50.000 et 65.000 personnes). «Nous nous battons à la fois contre le temps et l’espace», a reconnu samedi le porte-parole du Pentagone, John Kirby. Depuis le 14 août, quelque 17.000 personnes ont été évacuées par les États-Unis, dont 2 500 Américains. Des milliers d’autres ont été exfiltrées à bord d’avions militaires étrangers.
Semblant souligner l’inquiétude qui règne à Washington, Joe Biden a annulé à la dernière minute samedi matin son déplacement pour le week-end dans sa résidence du Delaware – même si l’annonce de l’arrivée dimanche d’un ouragan sur le nord-est des États-Unis a également pu jouer sur sa décision de finalement rester à la Maison Blanche.
Le prédécesseur de Joe Biden à la Maison-Blanche, Donald Trump, sous l’autorité duquel les États-Unis se sont engagés à retirer l’ensemble de leurs troupes, a dénoncé samedi la «grossière incompétence» du président coupable selon lui d’un «retrait bâclé». Il a dans le même temps fait l’éloge des talibans qualifiés de «grands négociateurs, combattants coriaces». «Cela n’aurait pas dû se produire. Tout ce qu’il avait à faire, c’était de laisser les soldats sur place jusqu’à ce que tout soit dehors – nos citoyens, nos armes – et ensuite vous bombardez les bases», a-t-il déclaré lors d’un rassemblement en Alabama.
Dans un article mis en ligne sur le site de sa fondation, l’ancien premier ministre britannique Tony Blair a violemment dénoncé le retrait des troupes. «L’abandon de l’Afghanistan et de son peuple est tragique, dangereux et inutile, (ce n’est) ni dans leur intérêt ni dans le nôtre. En observant les conséquences de la décision de rendre l’Afghanistan au même groupe que celui d’où est parti le carnage du 11 septembre, et d’une manière telle qu’on semble mettre en scène notre humiliation, la question que se posent alliés comme ennemis est : l’Occident a-t-il perdu toute volonté stratégique» ?
L’ancien premier ministre avait très vite suivi les Etats-Unis en Afghanistan et en Irak, ce qui lui avait valu de nombreuses critiques. « «Le monde ne sait plus ce que défend l’Occident, tant il est évident que la décision de se retirer d’Afghanistan de cette manière était motivée non pas par la stratégie mais par la politique», écrit-il. « Nous l’avons fait sous les applaudissements de tous les groupes djihadistes du monde ». « La Russie, la Chine et l’Iran observent et en profitent. Les engagements pris par les dirigeants occidentaux seront évidemment considérés comme une monnaie dévaluée », d’après lui.
Un gouvernement «inclusif» selon les talibans
Pendant que les évacuations se poursuivent, le cofondateur et numéro deux des talibans, Abdul Ghani Baradar, est arrivé samedi à Kaboul après avoir passé deux jours à Kandahar, berceau du mouvement. Ce mollah, qui dirigeait jusque-là le bureau politique des talibans au Qatar, va «rencontrer des responsables djihadistes et des responsables politiques pour l’établissement d’un gouvernement inclusif», a déclaré à l’AFP un haut responsable taliban.