La réintroduction de la citation de la France dans l’hymne national algérien, supprimée par Chadli Bendjdid, puis définitivement abandonnée sous l’ère Bouteflika, constitue-t-elle un signe d’une nouvelle dégradation des relations entre les deux pays, dégradation qui s’est traduite par l’annulation sine die de la visite d’état du président Tebboune en France.
Il faut bien admettre que l’exécution de l’hymne national des dizaines de fois par jour, dans toutes les casernes militaires du pays, les écoles et les chaines de télévision nationale, avec une citation de la France, ravive les sentiments d’hostilité et de haine envers l’ancien colonisateur, 60 ans après l’indépendance de l’Algérie.
La réintroduction du refrain, qui enjoint à la France de rendre des comptes à l’Algérie sur la colonisation et que le moment soit venu pour le faire, risque-t-telle de raviver les tensions entre les deux pays, qui demeurent toujours au bord de l’éclatement, malgré les bonnes volontés de certains locataires conjoncturels de l’Elysée.
Ô ! France, le temps des palabres est révolu
Nous l’avons clos comme on ferme un livre
Ô ! France, voici venu le jour où il te faut rendre des comptes
prépare-toi, voici notre réponse
Le verdict, notre révolution le rendra.
Ce qui est étrange, c’est que cet hymne, qui va être désormais exécutée dans sa version complète (devant le président) ou courte (devant les hôtes étrangers), selon les circonstances, était souvent joué en présence d’officiels français, ce qui constituait sans nul doute une provocation continuelle pour les hôtes français, 60 ans après l’indépendance. C’est le seul pays au monde, selon des observateurs, qui a introduit dans son hymne national, le nom de l’ancien colonisateur, sur un ton menaçant. Le président Chadli Bendjdid avait ressenti le choc que provoquait cet hymne national, quand il était exécuté devant des hôtes français de haut rang. Il avait supprimé les refrains qui s’adressaient à la France. Leur réintroduction a été l’œuvre de la caste de « la Nouvelle Algérie » qui veut se réclamer, sans vergogne, de héritage combien encombrant et désastreux de l’ancien dictateur Boumediene, pour jouer sur la fibre patriotique d’un peuple démuni, à qui on sert plus de la propagande que les produits alimentaires de première nécessité.
A priori, la réintroduction des refrains menaçants anti-français est une riposte de l’armée algérienne à l’annulation de la visite d’Etat de Tebboune en France qui, par des voix officielles, appelle, de surcroît, à la révision de l’accord bilatéral sur l’immigration algérienne signée en 1968, lequel traité accorde un statut avantageux et particulier aux Algériens, comparés aux autres communautés étrangères en France.
Naturellement, l’annulation de la visite aurait un ensemble d’autres motifs, notamment l’exigence faite à la France d’interdire toute manifestation de l’opposition algérienne lors de cette visite ( y compris dans les médias), dans un pays qui se prend pour un havre des droits de l’homme et des libertés. Visite d’Etat du président d’un pays «pivot» sur les registres de la discorde et de la division au Maghreb, dans le monde arabe, en Afrique et à l’échelle planétaire. Un pays pétrolier et gazier dont des vagues de jeunes déferlent, par milliers, sur les côtes de la rive sud de la Méditerranée, pour demander le travail et l’asile politique, dans le contexte du pillage des richesses du pays par un système qui veut maintenir le peuple algérien sous la frayeur, la crainte et la menace potentielle permanente de deux soi disant ennemis : l’ennemi historique qu’est la France et l’ennemi traditionnel qu’est le Maroc. Un pays qui célèbre, ces jours-ici, son élection comme membre non permanent du Conseil de sécurité, une tribune d’où il pourrait probablement s’atteler à régler les problèmes pendants auxquels est confronté le peuple algérien au quotidien, comme l’approvisionnement du marché en produits de première nécessité. Non, jamais.
Cela ne constituera point la préoccupation du nouveau système en Algérie. Ses soucis sont portés plutôt par le polisario et la dilapidation de l’argent du peuple algérien dans des causes qui n’avaient jamais allégé ses fardeaux de survie quotidiens.
*Journaliste et écrivain