Démilitarisation du régime, liberté de la presse, libération des détenus, sont les questions centrales autour desquelles s’articule l’émulation protestataire pour ce 39ème vendredi consécutif de manifestations, malgré les basses températures.
À 48 heures de l’ouverture de la campagne de la présidentielle prévue le 12 décembre, les Algériens sont à nouveau descendus massivement dans la rue pour dire non à un scrutin destiné selon eux à consacrer l’emprise des thuriféraires du pouvoir. C’est avec un état d’esprit empreint d’une très large colère que les manifestants sont sortis dans la rue, malgré les aléas climatiques, bravant les forces antiémeutes pour exprimer leur mécontentement face à la tenue du scrutin présidentiel.
Après avoir obtenu en avril le départ de la magistrature suprême d’Abdelaziz Bouteflika, au pouvoir depuis 1999, le mouvement de contestation inédit déclenché le 22 février, n’a pas été vidé de sa force mobilisatrice. Malgré aussi la centaine d’arrestations de manifestants, militants et journalistes depuis juin, et une vague de répression des manifestations entamée peu après l’annulation, faute de candidats, d’une première présidentielle le 4 juillet.
Une centaine de journalistes se ont pris part à la marche, portant un brassard blanc sur lequel était noté « journaliste libre », pour dénoncer les «intimidations et menaces» contre la presse.
« Ahmed Gaïd Salah, dégage ! », ont scandé à nouveau les manifestants à l’adresse du chef d’état-major de l’armée, homme fort de fait du pays depuis l’écartement de Bouteflika. « Les élections n’auront pas lieu ! », ont déclamé également les manifestants qui ont vilipendé la nouvelle loi pétrolière, adopté le 14 novembre et dont le projet avait été longtemps bloqué par diverses oppositions. Elle est la décision économique qui a soulevé le plus de polémique en Algérie. Le projet, entouré de rumeurs notamment sur la privatisation de la Société nationale pour le transport, la production et la commercialisation des hydrocarbures (Sonatrach) est accusé de vouloir céder les richesses énergétiques du p aux multinationales. Le gouvernement algérien, exécutif d’un plan sans réel processus d’élaboration des décisions, communique laconiquement et mal.
Les manifestants jugent «opaque» l’élaboration des politiques jugées stratégiques et contestent les détenteurs du «pouvoir réel», surtout le commandement militaire qui joue dans l’ombre un rôle politique ou économique capital dans la formation des décisions au détriment des pouvoirs publics.
Des panneaux électoraux ont commencé à être recouverts de slogans hostiles au vote, selon des images publiées sur les plates-formes des réseaux sociaux, où des appels à perturber le déplacement des candidats commencent également à être répandus.Cinq candidats sont en lice, tous ayant participé aux 20 ans de présidence Bouteflika ou l’ayant soutenu, parmi lesquels les ex-Premiers ministres Ali Benflis et Abdelmajid Tebboune, des septuagénaires qui font office de favoris de cette échéance.
Dans la perspective politique actuelle, l’abstention obéit à une toute autre logique. Ce n’est pas le désintéressement qui préside à l’abstention mais la perception que les citoyens ont du vote. Aussi choisiraient-ils, en toute connaissance de cause, de ne pas voter, en raison « l’intégrité morale douteuse » des candidats issus de structures impopulaires. De nombreux manifestants sont venus la veille de province pour éviter les barrages de gendarmerie qui, chaque vendredi, ralentissent ou bloquent le trafic aux entrées d’Alger.