Le Hirak algérien en est presque a son huitième mois de contestation, mais la contestation ne faiblit pas. Le 34ème mardi des étudiants s’est déroulé avec la participation d’un grand nombre de manifestants de tout âge, parallèlement avec une initiative de 18 personnalités politiques algériennes, qui demandent le report du scrutin du 12 décembre.
La mobilisation enregistrée à Alger hier était l’une des plus fortes depuis le printemps dernier, rapportent les médias algériens. Ils ajoutaient que la manifestation a eu un effet « boule de neige », rassemblant au fur et à mesure de son parcours, de plus en plus de manifestants qui se trouvaient sur sa route. Le dispositif policier mobilisé était également considérable, mais contrairement à la semaine dernière, les autorités n’ont pas tenté d’entraver la marche. Aucun incident de violence n’a été enregistré non plus. Les médias algériens rapportent que les forces de l’ordre auraient reçu des consignes de ne pas faire usage de la force.
La rue a réitéré sa position de refus par rapport à l’organisation d’élections avant la transition, et a redemandé la libération des détenus d’opinion, notamment le Moudjahid Lakhdar Bouregâa et leur camarade, l’étudiante Yasmina Dahmani détenue à la prison d’El Harrach pour avoir participé à l’une des manifestations du mardi.
Un projet de loi concernant les hydrocarbures, voté au Conseil des ministres la semaine dernière a été particulièrement dénoncé par les manifestants. La rue soupçonne que ce projet de loi ne soit qu’une enième manière de permettre aux grosses têtes du pouvoir d’user des ressources algériennes comme ils le souhaitent, les manifestants ont ainsi scandé que « l’Algérie n’est pas à vendre ».
La même journée, 18 personnalités politiques du pays parmi lesquelles Ali Yahia Abdenour, Ahmed Taleb Ibrahimi, Ahmed Benbitour, Abdelaziz Rahabi et Ahmed Benmohamed, ont lancé, le 15 octobre un appel implicite au report du scrutin du 12 décembre, estimant qu’ «il n’est pas possible d’envisager de véritables élections dans ces conditions».
Plus encore, «s’aventurer dans une élection présidentielle suivant ce qui a été annoncé et à la date fixée, sans un consensus national préalable incluant toutes les parties, c’est faire un saut dans l’inconnu, attiser la colère de la rue et aggraver la crise de légitimité du pouvoir, ce qui ouvrirait les portes devant les ingérences et les injonctions étrangères, inacceptables dans tous les cas et sous quelque forme que ce soit», écrivent les 18 personnalités dans un mémorandum.
Sans préciser si le dialogue devra inclure l’institution militaire, les signataires estiment qu’il devra permettre de «dissiper ses appréhensions». Ils renchérissent : «nous ne concevons la prochaine élection présidentielle que comme la consécration d’un processus de dialogue et de consensus. Notre pays a besoin de la conjugaison de toutes les bonnes volontés pour sortir avec une vision unifiée qui fera de la prochaine présidentielle, non pas un moyen de maintenir le système même sous une nouvelle forme, mais le début d’une vie politique nouvelle, dans le cadre de l’unité nationale qui se renforce par sa diversité culturelle et politique, et qui dissipera les appréhensions de l’institution militaire vis-à-vis d’un pouvoir civil constitutionnel». Ils écrivent un peu plus loin dans le mémorandum : «un accord de ce niveau et un consensus de cette envergure éviteront au pays de tomber dans l’impasse et nous permettront d’effectuer ensemble un saut qualitatif».
Une initiative qui a de quoi donner de l’espoir aux manifestants, pourvu que l’armée prenne ces propositions en considération.