La campagne présidentielle en Algérie est en difficulté. Les candidats se démènent pour occuper les lieux de rassemblement, les responsables de campagne ont démissionné, les électeurs ont bombardé de tomates et d’œufs le siège de la campagne électorale, et le mouvement pro-démocratie du pays, âgé de 9 mois, qualifie ce projet de simulacre.
Les cinq candidats cherchant à remplacer le président Abdelaziz Bouteflika lors de l’élection du 12 décembre n’ont pas réussi à captiver des citoyens désillusionnés. Bouteflika a été évincé en avril après 20 ans de pouvoir après la mobilisation d’un mouvement de protestation pacifique exceptionnel. Les manifestants souhaitent désormais un changement radical au sein de leur élite politique.
Au lieu de cela, les élections sont gérées par les nervis d’un régime usé et à bout de souffle. Au lieu de nouveaux visages, deux des candidats sont d’anciens premiers ministres et certains d’entre eux sont considérés comme inféodés à l’influent chef de l’armée algérienne Gaid Salah.
Le mouvement de protestation a tenu sa 41ème manifestation hebdomadaire vendredi, dénonçant l’élection présidentielle. Mais pour la première fois, des milliers de partisans du gouvernement ont organisé leur propre rassemblement le 30 novembre.
Les candidats ont tenté de convaincre les électeurs que la participation au scrutin constituerait la seule alternative au chaos, une allusion à la guerre civile qui ravageait l’Algérie dans les années 1990. Mais cet argument ne trouve pas d’écho au sein des manifestants, extrêmement pacifiques. C’est un contraste frappant avec les contestations parfois meurtrières et la répression sécuritaire secouant l’Irak, le Liban et d’autres pays ces dernières semaines.
L’ancien Premier ministre Ali Benflis, considéré comme le candidat favori, a été chahuté à Tlemcen, à Guelma, à Oued Souf et à Annaba, alors qu’il devait annuler complètement une réunion à Maghnia, à l’ouest de l’Algérie.
Son directeur de campagne dans l’importante région de Kabylie a démissionné, évoquant les pressions de sa famille. Beaucoup en Kabylie s’opposent à la tenue de l’élection.
Le candidat Abdelamdjid Tebboune, considéré comme le candidat du chef de l’armée, le général Ahmed Gaid Salah, a dû annuler son premier rassemblement à Alger, faute de ralliements suffisants. Son directeur de campagne a également démissionné sans explication. L’un de ses principaux bailleurs de fonds a été emprisonné pour corruption.
Un autre candidat, Abdelkader Bengrina, a commencé sa campagne sur l’esplanade de la Poste centrale d’Alger, site emblématique du mouvement de protestation. Il a dû interrompre son discours pour se réfugier dans sa voiture sous la protection de la police afin d’échapper à une foule de manifestants en colère. Son portrait étalé dans son quartier général de campagne a été bombardé d’œufs et de tomates.
De nombreux panneaux d’affichage autour d’Alger, destinés à abriter les portraits des candidats sont restés vides. Dans d’autres sites, les Algériens ont les ont recouvert de sacs à ordures et de pancartes mentionnant «candidats à la honte». Dans certaines villes de la Kabylie, les manifestants ont bloqué l’accès aux bureaux de campagne en en bloquant les entrées avec des briques.
Les tensions se sont accrues la semaine dernière lorsque les manifestants ont commencé à organiser des marches nocturnes pour dénoncer les élections. Plusieurs manifestants ont été arrêtés et certains ont déjà été condamnés à des peines de prison pour avoir perturbé les campagnes électorales ou avoir endommagé des biens publics, selon les organisateurs de ces actions. Face aux troubles dans la capitale Alger et en Kabylie, les candidats se ruent dans les zones où le mouvement de protestation est moins actif.
Le président de l’instance chargée de superviser les élections, Mohamed Charfi, a minimisé ces incidents, affirmant que les candidats étaient «acceptés par la population». Le chef de l’armée, Gaid Salah, n’a pas encore reconnu publiquement le désordre qui secoue la campagne présidentielle. Dans un récent discours, il a appelé à «l’adhésion du peuple autour de leur armée, chantant d’une seule voix des slogans patriotiques exprimant leur volonté collective de se rendre massivement aux urnes» le 12 décembre, afin de réussir l’élection présidentielle et de contribuer ainsi à la «construction d’un avenir prometteur.»
Si aucun candidat ne remporte plus de 50% des suffrages au premier tour, les élections iront au second tour dans les semaines qui suivent.