Rabat 3 Avril 2019
Finalement, c’est l’armée algérienne qui a eu raison. Les tergiversations et manœuvres de l’entourage de Bouteflika -parce que le président est gravement malade et son état de santé s’est nettement détérioré ces derniers mois- n’ont pas réussi à ébranler la détermination de l’armée, qui a exigé le départ de Bouteflika, dans un nouvel ultimatum, mardi à l’entourage du président, notamment le frère du président Said, accusé d’utiliser le sceau de la présidence, pour valider la formation d’un nouveau gouvernement, dans une course contre la montre, qui s’est révélée improductive et sans effet.
Depuis le 26 mars dernier, date à laquelle le Général Gaid Salah a réclamé le départ du président, pour cause de santé, l’entourage du président a multiplié les manœuvres, qui attestent franchement de son amateurisme. Il a dans un premier temps, prôné la prorogation du mandat du président pour une période d’au moins un an, avant de se rétracter et de décider d’écourter le 4eme mandat et donc de projeter la démission avant le 28 avril, précédée de « décisions importantes » sur la transition, pour enfin, annoncer et formaliser la démission immédiate, mardi, comme l’exige l’armée, avec une apparition télévisée de Bouteflika, en gandourah, devant le Conseil constitutionnel.
Sous la pression de la rue et de l’armée, Bouteflika a enfin renoncé à tous ses projets et décidé de démissionner avant même la fin de son quatrième mandat, le 28 avril prochain. L’armée a en effet adressé un ultimatum au président, hier, mardi, en appelant à une mise en œuvre « immédiate » de l’article 102 de la Constitution, sur la vacance de la présidence pour cause de maladie. Bouteflika a choisi l’autre option, celle de la démission. C’est le vœu de l’armée, qui a opté pour une transition, conduite par le président de la chambre haute du parlement, Abdelkader Bensalah, qui a représenté tout récemment encore l’Algérie au sommet arabe de Tunis, pourvu que la rue algérienne, en ébullition depuis la fin du mois de février, adhère à cette solution, elle qui réclame « le départ » de tout le système. Le départ de Bouteflika constituera, dans cette hypothèse, la première manche de la victoire de la rue algérienne, dont nous mesurerons le pouls vendredi prochain.
Le rôle fer l’armée reste prépondérant dans le système politique en Algérie. C’est bien l’armée, sous la pression de la rue, dont les exigences sont encore plus grandes, qui a congédié le président Bouteflika. C’est incontestablement un coup d’Etat, en douceur. L’armée n’a certes pas eu à utiliser la force pour déloger Bouteflika du palais d’El Mauradia, mais elle l’a menacé et contraint de partir. Tirant les leçons de son engagement dans les évènements d’octobre 1988 (300 à 500 morts) ainsi que dans l’éradication du terrorisme (300.000 morts), l’armée s’est gardée de toute intervention militaire directe, pour ne pas donner l’impression de s’impliquer directement dans les affaires politiques.
Quant au président Bouteflika, il aurait dû se retirer en 2013, lorsqu’il a été victime d’un AVC ou du moins ne pas se représenter pour un 4eme mandat en 2014. Il termine ainsi tristement et dramatiquement un règne, sans gloire, de près d’un quart de siècle, lui qui redoutait depuis toujours l’armée mais que la maladie a fini par épuiser. Toutefois, la rue algérienne n’a pas encore dit son dernier mot, bien qu’elle soit contente d’avoir remporté cette première manche.
*journaliste et écrivain