Mokhtar Saïd Mediouni, ex-colonel de l’armée de l’air algérienne, est un homme suspect, même en Algérie. L’un des traits qui le caractérise c’est l’horreur où il est du progrès du Maroc et la susceptibilité ombrageuse avec laquelle il défend ses thèses délirantes. Notre genre de vie, nos idées, nos prouesses diplomatiques, notre politique, tout lui est hostile. Il perçoit avec une acuité de sensation maladive le côté nauséabond de tout. Mais sa dernière sortie a provoqué une immense colère.
En juin, l’Autorité algérienne de régulation de l’audiovisuel (ARAV) a suspendu temporairement une chaîne de télévision privée à la suite d’une vive polémique historique sur l’émir Abdelkader, pilier de la première résistance contre la France coloniale. La station El-Hayat TV a été privée d’émission pendant une semaine. Cette sanction, accompagnée d’un avertissement, faisait suite à la diffusion d’un programme au cours duquel un ancien député a qualifié de «traître» l’émir Abdelkader, figure hautement vénérée en Algérie. Cette accusation, portée par Noureddine Aït-Hamouda, fils du colonel Amirouche, l’un des chefs combattants de la guerre d’indépendance contre la France, a provoqué un véritable tollé, notamment sur les réseaux sociaux. Le ministère de la communication a emboîté le pas à l’ARAV, en annonçant la suspension pendant une semaine de l’accréditation d’El-Hayat TV et l’ARAV a affirmé «se réserver le droit d’engager toutes les mesures et procédures judiciaires adéquates en cas de récidive de tels dépassements et manquements professionnels», selon son communiqué.
Cinq mois après, Mokhtar Saïd Mediouni, ex-colonel algérien, sur la même chaîne, a appelé franchement à des attentats terroristes contre le Maroc, après un incident qu’a connu un convoi de camions algériens qui se trouvait à l’arrêt près de la localité Bir Lahlou, sur le sol marocain. Dans un monologue transposé dans un langage exaspéré où se mêlent aux trivialités de l’argot les excès de la langue populiste, l’ex-colonel a appelé les milices du Polisario, «perpétrer des attentats terroristes au cœur du Maroc», citant trois grandes villes du royaume. Ce n’était pas la première fois. L’ARAV et le ministère de la communication n’ont pas encore réagi.
Lors de sa dernière émission, diffusée le 6 novembre, Mokhtar Mediouni, qui se promène à travers les êtres et les choses qui déplaisent à ses supérieurs les lèvres plissées et les narines froncées, comme un homme que poursuit une odeur malsaine, vient de faire (un peu) machine arrière : «Le Makhzen est un grand déformateur des mots : il ne se pique pas de les bien définir, sa réaction est de bonne guerre», a-t-il dit pour se dédouaner. Avant quelques mois déjà, dans son émission Crassis, il était en roue libre : «Le Maroc veut imposer son hégémonie, raison pour laquelle il a eu recours à des puissances de provenance étrangère», «Nos deux peuples, les plus proches, les plus semblables entre eux, ne furent jamais aussi radicalement divisés, jamais aussi irréductibles. Nous sommes pas frères. Il faut refouler les 700 000 Marocains présents sur le sol algérien», «Le Maroc vise l’unité morale de l’Algérie. Il cherche à la compromettre par de trop fortes infiltrations, par une insidieuse mainmise sur tous les ressorts de notre front intérieur, sur toutes les sources où elle alimente notre pensée.»
Mokhtar Mediouni, s’emporte jusqu’à vouloir bannir les idées, les opinions, les sentiments, les personnes mêmes qui tenteraient de soutenir le Maroc. «Je veux éviter le chagrin d’affliger beaucoup de braves âmes, dont je partage la foi et les espérances, avec qui l’on diffère d’appréciation sur les meilleurs outils de restaurer l’énergie nationale algérienne, d’en imposer à nos adversaires du dehors et à leurs instruments au dedans. Pour les autres qui défendent les causes du Maroc, ce sont des égarés, des esclaves» a-t-il déclaré dans une de ses émissions. Personne n’est dupe ni du mensonge ni des menées qu’il dissimule.
En vérité, l’heure a sonné pour la fin des errements du «mufle». L’apologie du terrorisme n’est pas une opinion, surtout lorsqu’elle se manifeste dans tout son relief. La station El-Hayat TV doit rendre des comptes, ainsi que l’ex-colonel hargneux. Il ne s’agit ni d’un instinct nationaliste qui a pris alarme du bon accueil fait au monde aux positions diplomatiques marocaines, ni des formules à la mode sur le marché de l’injure algérien, ni des cris d’effroi poussés alors par les défenseurs du «prétendu génie algérien» ; il s’agit d’un enragé qui souhaite que le Maroc embourse le maximum de coups et qui aspire voir le royaume à feu et à sang.
En été 2019, Mediouni a déclaré que déstabiliser le Maghreb à travers la propagande, «c’est également déstabiliser le sud de l’Europe, et donc, par la suite, l’Europe toute entière, et c’est également déstabiliser l’Afrique». «Souvent, ce qui se passe sur les terrains des conflits n’est pas rapporté de manière fidèle, et, en général, est déformé sur les réseaux sociaux qui ont été pour beaucoup dans la déstabilisation de certains pays comme la Libye, la Syrie, l’Irak et d’autres…», a-t-il expliqué. Deux ans après, force est de reconnaître qu’il cultive ce qu’il prétend critiquer.