Prédicateurs, dignitaires religieux et jurisconsultes ont émis plusieurs fatwas déclarant interdite tout vacance du pouvoir en Algérie. Une annonce qui n’a pas calmé la fièvre contestatrice de la rue, qui réclame le départ de l’élite au pouvoir, la libération des opposants et l’assainissement des institutions politiques.
Des dizaines de milliers de manifestants algériens ont scandé, vendredi 4 octobre, des slogans demandant le départ des nervis de l’ancien régime et le désinvestissement de l’armée du champ politique. Ils ont dénoncé l’accaparement des ressources publiques à des fins privées, le doute moral qui engage l’intégrité de l’élite, la corruption et les profondes inégalités socio-économiques.
Les manifestations dans la capitale, Alger, et dans plusieurs autres villes, font suite à la décision prise cette semaine par un éminent religieux indépendant, appelant à voter lors des élections prévues en décembre, annoncées par l’armée mais contestées par le mouvement de protestation.
La fatwa, diffusée il y a deux semaines, constitue la première sortie de taille sur la crise politique qui dure depuis des mois. Une offensive menée par le corps religieux à dessein d’influencer les Algériens conservateurs. L’armée, l’acteur le plus puissant de la politique algérienne, considère l’élection présidentielle de décembre comme la seule issue pour mettre calmer la rue et en finir avec le flou constitutionnel qui prévaut depuis la démission du président Abdelaziz Bouteflika, le 2 avril.
Les manifestants ont toutefois rejeté cette échéance électorale, affirmant qu’elle ne pouvait être ni libre ni équitable tant que les alliés de Bouteflika et les chefs militaires occuperaient des postes de responsabilité dans le gouvernement.
Lakhdar Zaoui, un dignitaire religieux conservateur bien connu, a émis, le 2 octobre, une fatwa affirmant qu’un pays musulman ne pouvait pas être sans gouvernant.
«À la mort du prophète Mohammed, il n’a été enterré que lorsqu’un successeur a été désigné par ses compagnons», a-t-il déclaré. Un autre membre de l’institution religieuse, Chemseddine Bouroubi qui anime une émission qui répond aux questions posées par des requérant voulant agir dans un cas pratique en conformité avec les préceptes religieux, a déclaré qu’il était interdit à l’Algérie de rester sans président.
L’Algérie a sombré dans la crise en février lorsque des manifestations massives ont éclaté pour empêcher l’impotent Bouteflika, gravement malade, de briguer un cinquième mandat lors d’une élection initialement prévue pour juillet 2019.
Il a démissionné le 2 avril et l’élection a été reportée. Les autorités ont, par ailleurs, tenté de mettre fin aux manifestations en s’en prenant au cercle proche de Bouteflika. Les manifestants sans dirigeant ont déclaré que ces arrestations restent insuffisantes, exigeant le retrait des notables encore au pouvoir, notamment le président par intérim Abdelkader Bensalah et le Premier ministre Nouredine Bedoui.