La communauté algérienne présente en France se mobilise pour envoyer de l’aide humanitaire à leurs compatriotes victimes des incendies en Algérie. Une cagnotte a même récolté plus de 600 000 euros.
Face à la double catastrophe sanitaire et des feux de forêts, la diaspora algérienne de France se retrouve en première ligne pour organiser la collecte et l’acheminement de l’aide d’urgence, une mobilisation massive de la société civile.
«J’ai ramené 56 boîtes masques chirurgicaux, 20 boîtes de Biafine, 20 de bétadine, une cinquantaine de boîtes de Doliprane, une cinquantaine de ventoline et autant de Gaviscon», énumère Souad, 35 ans, professeure des écoles, qui s’est présentée jeudi, avec son diable chargé de paquets, à la Mosquée d’Argenteuil, près de Paris, qui a prêté ses locaux à quatre associations.
Un élan massif de solidarité en France
Dans l’entrepôt de 1000 mètres carrés, des centaines de cartons attendent désormais d’être expédiés pour l’Algérie. Les dons, trop nombreux, finissent par être ventilés vers d’autres points de collecte. À travers la France, l’élan de solidarité de la diaspora algérienne relayé massivement sur les réseaux sociaux est sans précédent depuis le grand tremblement de terre d’Alger en 2003, selon les associations.
«Le régime n’avait rien prévu, il est dépassé et c’est la société civile qui s’est organisée, d’abord sur place puis en lien avec la diaspora via un réseau d’associations partenaires», explique Samir Yahyiaoui, figure de la société civile algérienne. «C’est une mobilisation inédite, car au-delà de l’aspect humanitaire évident, elle a un fond politique, elle est l’extension indirecte et indéniable du Hirak», veut croire l’un des relais en France du mouvement de contestation populaire algérien.
Depuis plusieurs semaines, l’Algérie est confrontée à une double crise : une poussée épidémique du variant Delta et la propagation inquiétante de feux de forêts dans le nord-est du pays, sur les hauteurs de la Kabylie, dans lesquels ont déjà péri 69 personnes.
«Je suis choquée et effondrée que le gouvernement n’ait toujours pas appelé à l’aide internationale ni même rassuré le peuple, et admis une catastrophe», a déclaré à l’AFP Faïza Menaï, représentante du collectif Debout l’Algérie.
L’Algérie veut garder la main
Alors que la gestion du président Abdelmadjid Tebboune, qui doit s’adresser à la nation jeudi soir, fait l’objet de critiques de plus en plus vives au sein de la diaspora algérienne, la contre-offensive du gouvernement algérien pour reprendre la main sur cet élan de «la communauté nationale établie en France» ne s’est pas fait attendre.
Le 6 août, en pleine crise sanitaire, l’ambassade d’Algérie en France a ainsi exigé dans un communiqué que les initiateurs de collectes prennent «attache avec les représentations consulaires», afin de se voir délivrer une «autorisation» pour acheminer l’aide matérielle vers «le seul et unique destinataire» habilité, soit la «Pharmacie centrale» du ministère de la Santé algérien. L’ambassade stipule aussi que les missions de renforts de soignants, ne relèvent que du «ressort exclusif» du ministère de la Santé chargé d’organiser leur arrivée et leur déploiement.
Au pic de la mobilisation, ce serrage de vis a été perçu comme un «sabotage», note Halima Menhoudj, adjointe au maire de Montreuil, dans la proche banlieue parisienne, qui a ouvert une cagnotte pour «contribuer à l’élan de solidarité» et «apporter sa modeste touche».
«C’est quand même fou que l’ambassade n’ait pas demandé à dialoguer, à recevoir une délégation qui représenterait un peu la diaspora en France, pour pouvoir coordonner les actions de solidarité. Ça se fait de façon autoritaire, sans dialogue, sans discussion», déplore l’élue.
Une collecte récolte 620.000 euros
Face à ce tollé, le gouvernement a fini par renoncer à la centralisation de l’aide humanitaire et autoriser sous conditions, l’envoi d’aide entre associations. L’ambassade algérienne a également décidé de lancer sa propre levée de fonds, via l’émission d’un RIB en «devises dédiées».
Car du côté de la société civile, certaines collectes ont atteint des montants impressionnants. Ainsi, en quelques semaines, la cagnotte lancée sur internet par Merouane Messekher, jeune interne en pneumologie au CHU de Toulouse pour l’expédition en urgence de matériel oxygénothérapie a atteint plus de 620.000 euros.
Sous couvert de l’association «Medical Hope», que le jeune médecin a fondée pour soutenir et former ses confrères en Algérie, les autorités algériennes en France ont même facilité le transport et accepté une distribution directe aux associations relais en Algérie.
Des stars du ballon rond, de Franck Ribéry à l’attaquant franco-algérien Nabil Fekir, ont également joué un rôle déterminant en relayant ces appels auprès de leurs millions de fans. Au-delà des divergences, la chanteuse folk Souad Massi a lancé sur Facebook un vibrant appel à la «solidarité» et à «l’unité»: «Ensemble nous vivrons, ensemble nous vaincrons».






