La justice n’a plus qu’une seule mission en Algérie : broyer toutes les voix dissonantes et satisfaire les moindres caprices de la dictature militaire. Un magistrat d’un tribunal de la banlieue d’Alger a dernièrement envoyé en prison la chanteuse du Hirak Djamila Bentouis pour deux ans fermes.
Pour avoir écrit et interprété un morceau à la gloire du soulèvement populaire de 2019, Mme Bentouis, une mère de trois enfants, était poursuivie, depuis mars 2024, pour « appartenance à une organisation terroriste active à l’intérieur et à l’extérieur du pays », « atteinte à la sécurité et à l’unité nationale » et « incitation à attroupement non armé ».
En Algérie, une chanson engagée est passible de tous ces graves chefs d’accusation. Dans un excès de zèle, le parquet près le tribunal de Dar El Beida avait requis une peine 8 ans de prison ferme contre cette femme âgée de 60 ans.
Au lieu de la punir aussi sévèrement, le général Said Chengriha et sa clique auraient dû remercier cette femme courageuse et les autres prisonniers d’opinion, parce que, sans leurs sacrifices, ils ne seraient jamais parvenus au sommet de l’Etat, à la place du régime déchu du défunt Abdelaziz Bouteflika.
Artiste franco-algérienne, Djamila Bentouis a été arrêté, la première fois, à l’aéroport d’Alger en provenance de France, où elle s’était rendue pour faire ses adieux à sa mère mourante. Laissé libre, elle a été interrogée de nouveau les jours suivants, avant son placement en détention le 3 mars.
Les accusations portées contre elle s’appuient sur des interprétations des paroles de sa chanson qui «dénonçait les arrestations et la répression qui s’était abattue sur les activistes» pendant le Hirak, ont déploré des ONG, après la confirmation de son arrestation.
Condamné lui-aussi à la disparition par la dictature militaire le site d’information Radio-M a, alors, écrit que l’affaire Djamila Bentouis «illustre une fois de plus la sévère répression qui s’abat sur les voix dissidentes en Algérie».
Des centaines de prisonniers politiques croupissent dans les geôles du régime algérien. Un grand nombre de militants a trouvé refuge de l’autre côté de la Méditerranée, ceux restés dans le pays se sont murés dans le silence et la discrétion, vivant dans une sorte de clandestinité intellectuelle pour s’épargner la colère des militaires.