L’islamologue de 53 ans a déclaré qu’il ferait appel et irait jusqu’en cassation si nécessaire, assurant que «le combat pour la liberté de conscience est non négociable».
Le procès en appel très attendu d’un islamologue algérien de renom, Saïd Djabelkhir, condamné à trois ans de prison pour offense aux préceptes de l’islam et menacé de mort, mobilise en France. Dix-neuf intellectuels et essayistes dont l’écrivain algérien Boualem Sansal, membre de l’institut de France Chantal Delsol ainsi que son collègue et philosophe Rémi Brague ont publié une tribune dans Le Figaro. Ils invitent la cour constitutionnelle algérienne à censurer la loi qui a amené à cette condamnation.
Selon la tribune, « la Cour constitutionnelle algérienne jugera le cas de l’islamologue Saïd Djabelkhir, condamné le 21 avril 2021 à une peine de trois ans de prison et à une amende de 50 000 dinars pour « offense à l’islam » et « dénigrement du dogme » et « des préceptes de l’islam » en vertu de l’article 144 bis du Code pénal algérien réprimant le blasphème. En cause : l’affirmation, par ce docteur en philosophie, que certaines pratiques musulmanes seraient antérieures à l’islam et d’origine païenne, et que le contenu du Coran et des hadiths n’auraient pas la valeur d’une science exacte.»
Lors de son procès en première instance, ce spécialiste du soufisme s’était défendu d’avoir porté atteinte à l’islam, religion d’Etat en Algérie, assurant qu’il s’agit seulement de réflexions académiques. Il lui est notamment reproché d’avoir écrit, sur Facebook en janvier 2020, que le sacrifice du mouton — tradition musulmane — existait avant l’avènement de l’islam. Il avait également souligné que certains récits du Coran n’étaient pas des faits historiques mais qu’ils étaient destinés à transmettre des valeurs morales.
De 1962 à 2020, l’Algérie revoit certaines modifications au niveau de la constitution, la liberté de conscience a été supprimée. Il a été remplacé par un nouveau texte qui préserve le droit de «pratiquer une religion». Dans cette nouvelle vision, les Algériens sont libres d’adhérer aux confessions non musulmanes même si, en droit et en pratique, la minuscule minorité protestante du pays est depuis longtemps victime de discriminations.
« Cette affaire est importante car pour la première fois la Cour algérienne se prononcera sur la conformité à la Constitution de la pénalisation du blasphème et, à travers elle, sur les limites religieuses portées aux libertés d’expression et de recherche scientifique en Algérie. Elle intervient alors que la liberté de conscience a été supprimée de la Constitution algérienne en 2020», notent les promoteurs du texte.
Ce changement fera de l’affaire Djabelkhir, une affaire assez spéciale et exceptionnelle. «C’est donc l’heure de vérité pour la justice constitutionnelle algérienne qui entame ses premiers contrôles de constitutionnalité des lois a posteriori. L’acquittement de M. Djabelkhir marquerait une nouvelle ère pour la justice. Ce jugement sera une référence dans la jurisprudence algérienne et déterminera fortement le sort des libertés publiques dans le pays», a-t-on mentionné.
Une révolution sera créé grâce aux noms inscrivent sur cette liste de signataires qui regroupent des philosophe, écrivain, membre de l’institut de France, professeur émérite des universités, docteur en science politique, journaliste, militante des droits de l’homme, ancien rapporteur spécial des nations unies pour la liberté de religion ou de conviction, ancien juge à la cour européenne des droits de l’homme etc…
« Les signataires de la tribune appellent les autorités algériennes à garantir les libertés d’expression et de recherche académique. Et nous souhaitons exprimer au peuple algérien nos vœux et notre soutien pour qu’il jouisse des droits et libertés universellement reconnus (…) conformément au droit international, notamment au Pacte international relatif aux droits civils et politiques ratifié par l’Algérie en 1989. Nous souhaitons exprimer au peuple algérien nos vœux et notre soutien pour qu’il jouisse des droits et libertés universellement reconnus. Nous l’invitons à réconcilier son identité religieuse avec la garantie des droits fondamentaux» conclut Le Figaro.
La loi algérienne punit de trois à cinq ans d’emprisonnement et/ou d’une amende «quiconque offense le prophète ou dénigre le dogme ou les préceptes de l’islam, que ce soit par voie d’écrit, de dessin, de déclaration ou tout autre moyen».
En Algérie, son cas préoccupe aussi
Dans un communiqué intitulé «La dérive de trop», la Ligue algérienne de défense des droits de l’Homme (LADDH) a dénoncé «la criminalisation des idées, du débat et de la recherche académique pourtant garanties par la Constitution». Amnesty International a de son côté évoqué une «régression effrayante pour la liberté d’expression en Algérie». «Il est scandaleux que Saïd Djabelkhir soit condamné à trois ans de prison simplement pour avoir exprimé son opinion sur des textes religieux», a estimé Amna Guellali, directrice adjointe pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord à Amnesty.