En Kabylie, précisément à Tizi Ouzou région frondeuse à l’est d’Alger, la campagne contre la présidentielle de jeudi, massivement rejetée dans toute l’Algérie, bat son plein. En ville, les des briques ont remplacé les affiches électorales, devenues le symbole de l’opposition au scrutin.
Des appels à une grève générale – largement suivie – ornent en outre les murs de la ville, signe de la mobilisation contre la présidentielle dans cette région berbérophone, historiquement opposée au pouvoir et où la participation aux élections est traditionnellement faible.
Au premier jour de cette grève, dimanche, toutes les activités étaient bloquées à Tizi Ouzou, à l’exception des pharmacies. Depuis le début de la campagne électorale le 17 novembre, des manifestants ont muré la quasi-totalité des 21 sous-préfectures du département de Tizi Ouzou, qu’ils soupçonnent d’abriter le matériel électoral (urnes, bulletins).
Durant les trois semaines de campagne, qui s’est terminée dimanche, aucun des cinq candidats en lice ne s’est hasardé à Tizi Ouzou ou Béjaia, l’autre grande ville de Kabylie.
Dimanche, à quelques centaines de mètres de la sous-préfecture, où d’importants renforts de police équipés de casques et de boucliers étaient déployés, des dizaines de jeunes munis de briques et sacs de ciment se sont avancés, en file indienne, vers l’entrée du bâtiment. Sous l’effet d’une foule de plus en plus compacte, les policiers, qui avaient réussi à la contenir pendant trois heures, se sont finalement retirés sous des clameurs de joie.
Avec la campagne antivote, la brique est devenue l’objet fétiche des habitants de la région. Sur Facebook, nombreux sont ceux qui mettent en guise de photo de profil une brique avec l’inscription « bulletin de vote ».
Un quart de la population algérienne, soit quelque 10 millions de personnes, est berbérophone, concentrée majoritairement en Kabylie (nord), et les revendications liées à l’identité amazighe ont été longtemps niées voire réprimées par l’État, construit autour de l’arabité.
Plusieurs personnes se sont dit « outrés » de la présence dans la course à la présidence de candidats comme Ali Benflis –Premier ministre lors de la répression en 2001 – et de l’autre ancien chef du gouvernement Abdelmadjid Tebboune, qui ont travaillé sous l’autorité directe du président déchu Abdelaziz Bouteflika, contraint à la démission en avril.
« Il n’y aura pas de vote. Le pouvoir doit d’abord libérer les prisonniers d’opinion », jurent-ils en référence à la centaine de manifestants, militants et journalistes arrêtés, placées en détention provisoire ou condamnées, selon les organisations de défense des droits humains.