Des milliers de personnes sont descendues jeudi dans les rues d’Alger et d’autres villes du pays aux cris de «Pas de vote ! Nous voulons la liberté !» pour dénoncer la tenue de l’élection présidentielle
Plus de six Algériens sur dix ont boudé les urnes jeudi 12 décembre, une abstention record, lors de la présidentielle fermement rejetée par le mouvement populaire de contestation ayant emporté en avril le président Abdelaziz Bouteflika, dont ils étaient appelés à élire le successeur.
Seuls 39,93 % des inscrits ont voté jeudi, selon les chiffres annoncés en fin de soirée à la télévision nationale par Mohamed Charfi, président de l’Autorité nationale indépendante des élections (ANIE). Selon M. Charfi, le taux de participation au niveau national s’établit à 41,41 % et celui des Algériens de l’étranger à 8,69 %, a-t-il ensuite expliqué.
Ce taux est le plus faible de toutes les présidentielles pluralistes de l’histoire de l’Algérie. Il est inférieur de plus de 10 points à celui du précédent scrutin – le plus faible jusqu’ici –, qui en 2014 avait vu la 4e victoire de M. Bouteflika.
Le mouvement de contestation populaire massif et inédit du régime qui a contraint M. Bouteflika à la démission, rejetait catégoriquement la tenue de cette élection, vue comme un moyen de se régénérer pour le « système » au pouvoir depuis l’indépendance du pays en 1962. Ce mouvement exige la fin de ce « système » et le départ de tous les anciens soutiens ou collaborateurs des vingt ans de présidence Bouteflika. Ce que sont les cinq candidats : Abdelaziz Belaïd, Ali Benflis, Abdelkader Bengrina, Azzedine Mihoubi et Abdelmajid Tebboune.
Après une première tentative d’élection avortée en juillet, le haut commandement de l’armée, pilier du régime, ouvertement aux commandes depuis le départ de M. Bouteflika, a tenu coûte que coûte à organiser ce scrutin pour sortir rapidement de la grave crise politico-institutionnelle, qui a aggravé la situation économique. Le général Ahmed Gaïd Salah, chef d’état-major de l’armée, assurait depuis des semaines que la participation serait «massive».
Aucune projection de résultat n’a été publiée, mais le camp d’Abdelmadjid Tebboune, ancien bref premier ministre de M. Bouteflika en 2017, a revendiqué dans la soirée la victoire au 1er tour. «Selon les premiers éléments en notre possession (…), Abdelmadjid Tebboune a remporté la présidentielle avec un score de 64 %» des votants, a déclaré Abdelatif Belkaim, directeur adjoint de la communication du candidat. L’ANIE annoncera les résultats du 1er tour vendredi à 15 heures, a indiqué son président. Un éventuel second tour se déroulera entre le 31 décembre et le 9 janvier, selon l’ANIE.
Globalement, le vote s’est également déroulé normalement à travers le pays sauf dans la région traditionnellement frondeuse et majoritairement berbérophone de Kabylie, théâtre de graves incidents.
Le scrutin a été interrompu, parfois à peine ouvert, dans les trois principales localités de la région : un centre de vote a été saccagé, une antenne de l’ANIE a été incendiée et les forces de l’ordre ont dû repousser à coup de grenades lacrymogènes des manifestants tentant de pénétrer au siège de la wilaya (la préfecture) de Tizi-Ouzou (90 km à l’est d’Alger). Des affrontements entre forces de l’ordre et manifestants, qui ont fait plusieurs blessés dans les deux rangs, s’y sont poursuivis dans la soirée.
Selon une source sécuritaire, ayant requis l’anonymat, les gendarmes ont dû employer la force pour repousser des manifestants ayant pénétré dans la gendarmerie et ces heurts ont fait six blessés dans les rangs des forces de l’ordre.