Une semaine après avoir, pour la première fois, empêché les marches hebdomadaires du Hirak à Alger, la 118e manifestation, depuis la naissance du mouvement en février 2019, a une nouvelle fois été muselée par les autorités, vendredi 22 mai. Les forces de l’ordre ont procédé à des dizaines d’interpellations de manifestants et de journalistes.
Pour la seconde semaine consécutive, les autorités algériennes ont réprimé, vendredi 21 mai, les marches hebdomadaires du mouvement pro-démocratie du Hirak à Alger et dans plusieurs villes du pays. Elles ont procédé à des centaines d’interpellations selon des défenseurs des droits humains.
«Marche empêchée et réprimée à Alger et à Annaba, affrontements à Bouira, des arrestations dans plusieurs wilayas», (ndlr : préfectures algériennes), a énuméré Saïd Salhi, vice-président de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme (LADDH).
Des rassemblements ont toutefois été tolérés dans certaines grandes villes de Kabylie dont Béjaïa et Tizi Ouzou, même si elles ont également donné lieu à des interpellations d’après M. Salhi.
«Selon un premier décompte en début de soirée, près de 500 personnes ont été interpellées dans une quinzaine de wilayas», en majorité à Alger, a-t-il précisé.
La plupart des manifestants interpellés ont été relâchés en fin de journée, et les autres placés en garde à vue. Certains seront présentés devant la justice dimanche et risquent des peines d’emprisonnement ferme.
«Alger la Blanche» est devenue bleu police »
Dans la capitale, la marche des hirakistes a été neutralisée dès le départ. Des journalistes présents sur place, dont l’opposant Khaled Drareni, y ont constaté un dispositif sécuritaire massif.
Dès le matin, des policiers en uniforme ou en civil ont investi les points névralgiques de la ville, bloqué les grandes artères et encerclé les mosquées d’où partent habituellement les cortèges de manifestants. Des policiers en civil ont également procédé à des contrôles d’identité des passants.
«Rues et ruelles coupées avec des véhicules de police, policiers en tenues ou en civil avec des brassards aux alentours de Bab El Oued, quartier populaire et bastion du Hirak, a témoigné un certain Lyes, qui n’a pas souhaité divulguer son nom de famille. Pour ce 118e vendredi, «Alger la Blanche» (ndlr : surnom de la capitale) est devenue bleu police.»
À la sortie de la mosquée Errahma, au centre de la capitale, des fidèles ont été incités à rejoindre en ordre leurs domiciles sans marcher au milieu de la rue.
À la fin de la prière du vendredi, une centaine de personnes ont brièvement manifesté devant la plage Rmila de Bab El Oued, profitant pendant quelques instants de l’absence des policiers. Ces derniers n’ont cependant pas tardé à les pourchasser, selon un journaliste de l’AFP.
Obligation de déclaration des marches
Reporters et photographes indépendants sont privés d’accréditation et ne peuvent pas couvrir normalement les marches du Hirak. Deux journalistes ont été brièvement appréhendés, selon M. Salhi. M. Drareni a précisé, vendredi 21 mai au soir, que «deux journalistes manquaient à l’appel.» En outre, des coupures d’internet ont entravé la couverture des médias dans certaines villes.
Le bouclage d’Alger intervient au lendemain de l’ouverture de la campagne pour les élections législatives anticipées du 12 juin.
Malgré deux scrutins (présidentielle en 2019 et référundum constitutionnel en 2020) marqué par des taux d’abstention record, le régime, dont l’armée est le pilier, est déterminé à imposer sa «feuille de route» électorale en dépit de son rejet par le Hirak et par l’opposition laïque et de gauche.
Pour ce faire, le ministère de l’Intérieur a décidé d’obliger les organisateurs des marches du Hirak à «déclarer» au préalable les manifestations auprès des autorités, ce qui revient de facto à les interdire.
Selon le site spécialisé, Algerian Detainees, 133 détenus d’opinion ont été incarcérés dans les geôles algériennes pour des faits en lien avec le Hirak et/ou les libertés individuelles.