Une importante manifestation s’est tenue à Alger. Un centre de vote a été saccagé à Béjaïa, grande ville de Kabylie.
Une journée de vote sous tension. Une dizaine de milliers de manifestants ont défilé ce jeudi 12 décembre dans les rues d’Alger pour dénoncer l’élection présidentielle visant à élire le successeur d’Abdelaziz Bouteflika, déchu en avril par un mouvement populaire de contestation.
La police, déployée en force, est rapidement et brutalement intervenue toute la matinée pour empêcher tout rassemblement, ont constaté des journalistes de l’AFP. Un important dispositif ―fourgons, véhicules anti-émeutes, agents en uniforme et en civil― est déployé.
Mais les manifestants sont parvenus à faire nombre et ont même réussi à briser un cordon de police qui leur barrait l’accès au carrefour de la Grande Poste, lieu symbolique de rassemblement du “Hirak”, le “mouvement” de contestation inédit qui agite l’Algérie depuis février.
Des manifestants ont réussi à entrer dans un centre électoral du cœur d’Alger où le vote a dû être momentanément interrompu, a constaté une journaliste de l’AFP.
Le groupe est parvenu à entrer par une porte annexe dans le collège Pasteur du centre-ville, dont les accès avaient été fermés, à l’approche d’un cortège de dizaines de milliers de personnes qui défilent contre la tenue du scrutin. Les forces de l’ordre ont alors évacué les manifestants et les assesseurs qui ont rouvert le centre, une trentaine de minutes plus tard.
Le vote est également très perturbé, voire à l’arrêt, dans plusieurs localités de la région frondeuse de Kabylie, région où se concentre la plus grande partie de la minorité berbérophone d’Algérie.
À Tizi-Ouzou et Bouira (90 km à l’est et 80 km au sud-est d’Alger), deux des principales localités de Kabylie, toutes les opérations de vote sont arrêtées, selon plusieurs sources.
À Tizi Ouzou, les gendarmes tirent des gaz lacrymogènes pour repousser des manifestants qui tentent de prendre d’assaut le siège de la préfecture, ont rapporté des témoins.
À Bouira (80 km au sud-est d’Alger), l’antenne locale de l’Autorité nationale indépendante des élections (Anie), chargée d’organiser et de superviser le scrutin, a été saccagée, ses bureaux vidés et les documents déchirés, avant d’être partiellement incendiée, selon un journaliste local.
À Béjaïa (180 km à l’est d’Alger), grande ville de la région, des opposants à ce scrutin, perçu par la contestation qui agite l’Algérie depuis février comme une manœuvre du régime pour se régénérer, “ont saccagé des urnes et détruit une partie des listes électorales” et des bulletins à l’école Ibn Toumert de Béjaïa, ont rapporté des témoins.
Selon des estimations transmises par l’Autorité nationale indépendante de l’élection présidentielle (Anie), le taux de participation s’élevait à 20,43% à 15h.
À titre de comparaison, la participation était de 23,25% à 14h locales lors de la dernière présidentielle en 2014, où seuls 50,7% des votants s’étaient déplacés. La plupart des observateurs s’attendent à une forte abstention jeudi, le puissant mouvement (“Hirak”) de contestation populaire qui ébranle l’Algérie depuis février ayant appelé au boycott du scrutin.
Les cinq candidats à la présidentielle sont tous considérés par la contestation comme des enfants du “système” et accusés de lui servir de caution. Un quart de la population algérienne, soit quelque 10 millions de personnes, est berbérophone. Les revendications liées à l’identité amazighe (berbère) ont été longtemps niées voire réprimées par l’Etat, construit autour de l’arabité.