Les observateurs en Algérie s’attendent à ce qu’une décision de révocation d’un juge célèbre pour son soutien au mouvement populaire soit rendue, en raison de l’expression publique de ses positions politiques, interdite par la «loi fondamentale de la magistrature», sous prétexte de «violer le devoir de diligence.»
Les juges étaient à l’avant-garde des manifestations populaires contre le régime algérien, qui ont éclaté le 22 février 2019, mais certains d’entre-eux ont été également vivement critiqués pour les peines sévères qu’ils prononcent contre les militants du mouvement pour avoir exprimé des positions politiques.
L’organe disciplinaire du «Conseil supérieur de la magistrature», l’organe officiel chargé de superviser le parcours professionnel des juges, a ouvert le 25 janvier une procédure pour discuter du sort de 10 juges. Le ministère de la justice a appelé à des sanctions contre eux, après avoir été accusés de transgressions professionnelles liés au soutien du mouvement populaire (Hirak), et pour réception de pots-de-vin pour certains d’entre eux. L’une des personnalités les plus connues impliquées dans le «procès» est le jeune juge Saad Eddine Merzoug patron du «Club des juges algériens», une organisation non autorisée qui comprend des magistrats qui se sont opposés à la candidature de l’ancien président déchu Abdelaziz Bouteflika, lors de la présidentielle qui devait avoir lieu le 18 avril 2019, annulée sous la pression de millions de manifestations à travers le pays.
Mohamed El-Hadi Barim, l’avocat et défenseur de Merzoug devant l’Autorité disciplinaire, a déclaré que le ministre de la Justice Belkacem Zghmati l’accusait de «violer le devoir de réserve en prenant des positions politiques» et de demander à des membres du Conseil supérieur de la magistrature de rejoindre le mouvement populaire. Le jeune juge est aussi accusé d’avoir poussé d’autres collègues à prendre part à la grève annoncée le 26 octobre 2019, et à la contester l’accord avec le ministère de la Justice (signé fin 2019 sur les exigences matérielles et professionnelles du mérier) en plus d’entraver le travail judiciaire et de déstabiliser les institutions étatiques.
«Le but de poursuivre Merzoug est d’intimider les juges et de les dissuader de rejeter les ordres supérieurs», a déclaré l’ex-président de l’Union des juges au début des années 1990. Notant que ce dernier avait précédemment appelé les juges (plus de 8 000) à organiser une manifestation devant les locaux du «Conseil supérieur de la magistrature», laquelle fut interdite. Il est à noter que le «Syndicat national des juges», accrédité par les autorités, n’a émis aucune position sur cette question, mais ses affiliés affirment que sa direction «trouve gênant de défendre Saad Eddine Merzoug, car elle estime qu’il a effectivement transgressé la loi.»