Les huit derniers mois de l’année 2019 ont vu la montée, en Algérie, d’un mouvement de protestation sans précédent dans l’histoire du pays. Ceci a eu un impact non négligeable sur l’économie du pays et surtout sur le secteur bancaire algérien. D’ailleurs, sous l’impulsion de ce mouvement populaire contre le régime et face au manque de liquidité, les opérateurs économiques espèrent une débureaucratisation et une modernisation du système bancaire, apprend-on de Jeune Afrique.
Alors qu’un souffle démocratique balaie l’Algérie depuis février 2019, et qui a poussé le président Abdelaziz Bouteflika à rendre son tablier, plusieurs opérateurs économiques algériens appellent à une modernisation du système bancaire, jugé trop verrouillé. Selon ces opérateurs algériens, il faut d’abord libéraliser les institutions bancaires algériennes. « On ne peut pas prétendre développer un marché moderne et avoir 90% de celui-ci dominé par des banques publiques, qui obéissent au fonctionnement de l’administration publique », soutient Hassen Khelifati, président directeur général d’Alliance Assurance, compagnie d’assurances algérienne. Toutefois, l’idée de privatiser des banques publiques est loin de faire consensus.
Par ailleurs, Rachid Sekak, ancien directeur de HSBC Algérie et de la dette extérieure à la Banque d’Algérie, est lui favorable à une ouverture du capital du Crédit populaire d’Algérie (CPA) et de la Banque de développement local (BDL). « Ces deux banques sont déjà les plus exposées à la concurrence du secteur privé. Et une telle privatisation permettra d’alimenter la Bourse, dont la profondeur est actuellement ridiculement faible ». D’autres penchent plutôt pour une privatisation partielle. « On peut s’orienter vers un modèle mixte : d’un côté, une partie du capital d’une banque publique peut placée en Bourse pour permettre aux particuliers algériens d’acheter des actifs. De l’autre, une portion peut être gardée par l’État, et un pourcentage du capital peut être proposé aux acteurs internationaux », propose Hassen Khelifati. Divisés sur le sujet, les experts s’accordent sur l’urgence de dépoussiérer le secteur. Pour eux, il est essentiel, tout d’abord, de mener des opérations de lutte contre la corruption.
Selon plusieurs experts algériens, le secteur bancaire voit son horizon s’obscurcir. « La morosité économique se traduira, au moins à court terme, par une aggravation du risque de crédit, notamment à cause d’une accumulation d’arriérés pour de nombreuses entreprises », prévient Rachid Sekak, expert financier algérien. Pour lui, la rentabilité des banques sera affectée et leur solvabilité s’effritera, au moins en 2019 et en 2020. « Certaines banques étrangères pourraient avoir des difficultés à mettre à niveau leur capital dans le cadre des nouvelles normes édictées par la Banque d’Algérie. Une telle situation va rendre complexe le pilotage du secteur dans les prochaines années et renforce l’urgence d’agir et de restructurer », a-t-il indiqué.
Il faut donc penser à des solutions urgentes pour remédier à ces problèmes. Selon Mohamed Nazim Bessaih, Directeur du réseau des centres d’affaires corporate de la Société Générale, il faut développer des solutions numériques. « La numérisation permettra de favoriser l’inclusion financière d’une large part de la population. Depuis deux ans, l’Algérie amorce un timide virage vers le mode de paiement électronique. En juillet 2019, le pays comptait 6,5 millions de porteurs de cartes, dont 1,5 million de cartes interbancaires (CIB). Concernant l’e-paiement, 40.000 mots de passe avaient été distribués aux clients. Selon le Groupement d’intérêt économique de la monétique (GIE Monétique), chargé de la régulation du système monétique interbancaire. Jusqu’ici, l’e-paiement est restreint à une trentaine d’opérateurs. Résultat : ce mode de paiement tarde à s’inscrire dans les habitudes des consommateurs algériens. Le GIE Monétique n’a enregistré que quelque 90.000 opérations de paiement en ligne et 120.000 transactions par terminal de paiement électronique (TPE) depuis le début de l’année », a-t-il relevé.