Des rapporteuses spéciales onusiennes de haut niveau se sont adressées au gouvernement algérien à propos de la détérioration de l’état de santé de Mouloud Hamza Meghezzi, actuellement en détention à la prison de Kaliaa à Alger.
Tlaleng Mofokeng, rapporteuse spéciale sur le droit qu’a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible, et Irene Khan, rapporteuse spéciale sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression, indiquent que l’Algérien Mouloud Hamza Meghezzi, qui a obtenu la nationalité américaine en 1995, «est actuellement détenu à la prison de Kaliaa, à Alger, sans avoir accès aux traitements d’immunothérapie ni à la thérapie cellulaire CAR-T nécessaires pour traiter sa leucémie de stade 4. Ces médicaments ne sont pas disponibles dans la prison de Kaliaa, mais sont facilement disponibles aux Etats-Unis. M. Mouloud a également besoin d’un test de moelle osseuse afin de subir ultérieurement une greffe».
Les deux responsables onusiens relèvent qu’en 2012, Mouloud Hamza Meghezzi a fait l’objet d’un diagnostic de leucémie/lymphome de stade 4 et de diabète à l’hôpital Suny Upstate de New York. Il a fait l’objet de 27 opérations médicales, entre 2012 et 2017.
Elles ont exprimé de graves préoccupations quant à l’état de santé de Mouloud Hamza Meghezzi qui met sa vie en danger et à son manque d’accès à des soins et traitements médicaux adéquats. «Nous sommes également profondément préoccupés par le fait que son arrestation, sa détention et sa condamnation semblent être liées à l’exercice par M. Mouloud de son droit à la liberté d’expression. Si ces allégations étaient confirmées, elles constitueraient une violation des articles 6, 14 et 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), ratifié par l’Algérie le 12 septembre 1989, qui garantissent respectivement les droits à la vie, à un procès équitable devant un tribunal indépendant et impartial, et à la liberté d’opinion et d’expression. Elles constitueraient également une violation de l’article 12 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC) qui garantit le droit qu’a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale qu’elle soit capable d’atteindre, également ratifié par l’Algérie le 12 septembre 1989», a-t-on précisé.
A cet effet, les deux rapporteuses spéciales onusiennes demandent au gouvernement algérien de fournir des informations détaillées sur les mesures qui ont été prises pour garantir la vie et l’intégrité physique de Mouloud Hamza Meghezzi, y compris l’accès à des soins et traitements médicaux appropriés, notamment pour ses problèmes de santé qui mettent sa vie en danger.
«Veuillez fournir des informations sur la base juridique et factuelle des arrestations et des charges retenues contre M. Mouloud et indiquer comment celles-ci sont compatibles avec les obligations internationales du gouvernement algérien en matière de droits de l’Homme en vertu du PIDCP. Veuillez indiquer quelles mesures ont été prises pour garantir que les ressortissants algériens, comme M. Mouloud, puissent exercer leur droit à la liberté d’opinion et d’expression dans un environnement sûr et favorable, sans craindre de menaces ou d’actes d’intimidation et de harcèlement de quelque nature que ce soit contre eux-mêmes ou leur famille», a-t-on ajouté.
Pour rappel, Mouloud Hamza Meghezzi a introduit en 2005 la technologie WiMAX (Worldwide Interoperability for Microwave Access) par l’intermédiaire d’une société appelée Smart Link Communication SLC, créée en 2001, par le fils d’un ancien ministre général de la Défense et ancien chef d’état-major algérien qui serait actuellement l’objet d’une enquête par le Tribunal pénal fédéral suisse. Il se serait vu promettre 40% des actions, mais n’en aurait finalement reçu que 4%.
En 2017, il a intenté deux procès en Algérie et aux Etats-Unis contre le fils de l’ancien ministre général ainsi que contre son père prétendument pour faux, fraude et corruption. La même année, il a divulgué des informations sur son procès en cours à un journaliste algérien vivant à l’étranger et connu pour ses critiques à l’endroit du gouvernement algérien. Le 6 juin 2017, les informations divulguées ont été imprimées sur le blog et la chaîne Youtube dudit journaliste.
Le 14 décembre 2020, Mouloud Hamza Meghezzi a été arrêté par des militaires algériens lorsqu’il se trouvait à Alger, et emmené vers un lieu inconnu sans que sa famille n’en soit informée. Le lendemain, il a été emmené menotté à son domicile à Alger, pour récupérer ses affaires (ordinateur portable, tablette, cahiers, etc.) et transféré dans un centre d’interrogatoire militaire à Ben Aknoune. Alger, où il a été gardé pendant une semaine avant d’être conduit à la prison de Kaliaa à Alger.
Le 17 février 2021, Mouloud Hamza Meghezzi a été condamné à deux ans de prison en vertu des articles 69, 73 et 75 du Code pénal algérien, pour «divulgation d’informations confidentielles», «atteinte à la défense nationale» et «participation à une entreprise de démoralisation de l’armée» par le tribunal de Cherraga en Algérie.
Le 17 février 2021, le journaliste algérien ayant publié les informations apportées par M. Mouloud aurait été condamné par contumace à 7 ans de prison par le tribunal de Cherragaen, pour «divulgation d’informations confidentielles», «atteinte à l’unité nationale» et «participation à une entreprise de démoralisation de l’armée».
Le 29 mars 2021, le procureur général aurait fait appel de cette condamnation devant le tribunal de Tipaza. Le procès a été ajourné au 5 avril 2021 au motif que le tribunal avait besoin de plus de temps pour juger du cas, mais la décision d’appel ne sera rendue que la semaine du 12 avril 2021.