Dans un long article, Ali Achour, conseiller de la Fondation diplomatique du Maroc, dénonce l’attitude du gouvernement espagnol dans l’affaire de Brahim Ghali, faite d’agitations, de déclarations laconiques, de balancement et de transactions. Le mal ne date pas d’aujourd’hui, selon Ali Achour, et le cas du chef séparatiste est un des plus curieux épisodes des annales diplomatiques espagnoles, lequel a provoqué un désordre qui n’a pas éclaté à l’improviste.
Le 11 mai, la presse espagnole a révélé une série d’arrangements secrets par lesquels Alger et Madrid s’étaient entendus d’avance sur ce qu’ils pouvaient se permettre mutuellement dans le cas de Brahim Ghali. Tout concourt à faire de cette grande dissimulation algér-espagnole relative à l’affaire du chef séparatiste une sorte de drame entrecoupé de surprises et de péripéties, alors que cette œuvre de Madrid, telle qu’on la connaît, telle qu’on l’entrevoit, laisse une vive, une indéfinissable impression de doute et de déception. L’opinion publique, reste, pour tout dire, assez sceptique, et sur la nature de cette opération ; et sur ce qui l’a préparée, et sur ce qui peut en résulter, et sur la situation qu’elle crée au Maroc. «Le gouvernement espagnol savait au sujet de la fausse identité de Brahim Ghali et il a laissé faire. Par ailleurs, il a délibérément choisi de ne pas en informer le Maroc» accuse Ali Achour, conseiller de la Fondation diplomatique du Maroc
«De tous les pays de par le vaste monde qui auraient pu recevoir Ghali, il a fallu que ce soit l’Espagne qui accepte, en sachant parfaitement les conséquences que cet acte pouvait avoir et ne pouvait pas ne pas avoir sur les relations avec son voisin du Sud» ajoute M. Achour qui s’interroge : «Pourquoi alors et dans quel but le gouvernement espagnol a-t-il choisi d’agir dans le secret, dans une vaine tentative de dissimuler la véritable identité de Ghali, se laissant ainsi embarquer dans une combine de bas étage ? A-t-on été naïf au point de croire que la présence de Ghali en Espagne allait passer inaperçue ?», tout en ajoutant : où est l’esprit de dialogue et de loyauté qui devrait présider à la relation avec le Maroc, pays qui par ailleurs est qualifié d’ami et de «partenaire privilégié» ?
Les cercles médiatiques au Maroc et en Espagne tentent de démêler ce qui a conduit à ces extrémités hasardeuses, comment cet acceuil du chef séparatiste s’est produit et fatalement devenu une crise politique. C’est l’Espagne sans nul doute qui garde la première responsabilité de cette aventure ; en acceptant de combiner avec le gouvernement algérien et offrir un refuge à un individu qui a à compter avec la justice. «De toutes parts, d’une manière ou d’une autre, l’étau se resserre sur Madrid. l’arbitraire, un grand arbitraire reste le dernier mot de toutes ces combinaisons dont l’artifice consiste à déguiser une complicité à l’égard d’un criminel sous prétexte de le soigner, à rétrécir chaque jour le champ de la vérité sans donner plus de cohésion aux justifications données» a-t-on affirmé.
«Le gouvernement espagnol, apparemment, a fait son choix : il a mis en danger sa bonne relation avec son “voisin et ami” pour recevoir un “chef d’Etat” de pacotille, voyageant avec le passeport d’un pays qui n’est pas le sien et, pire encore, sous une fausse identité. Madrid a montré clairement où se situent ses priorités. Aux yeux du gouvernement espagnol, la bonne entente, la coopération et le bon voisinage avec le Maroc ne pèsent pas lourd face au sort d’un individu visé par une multitude de plaintes devant les tribunaux espagnols. Pourtant c’est avec le Maroc que l’Espagne a signé un traité d’amitié, de coopération et de bon voisinage (en juillet 1991)» détaille M. Achour.
Faux-fuyants, arrogance et condescendance
Madrid cherche à avorter les tentatives de ramener au premier plan cette lamentable affaire de Brahim Ghali qui a causé tant de mal et qui, pendant de longues semaines, a fait peser sur l’Espagne une lourde atmosphère de malaise et de soupçons. Les responsables espagnols se sont dressés à la tribune comme les vengeurs de l’intégrité de leur pays, les champions d’une justice supérieure ; et il fallait entendre la violence de leurs dénonciations et l’implacable sévérité de leurs sentences à l’égard de Carles Puigdemont, un des dirigeants du mouvement indépendantiste catalan au moment où il pensait au Maroc et à d’autres pays comme un probable refuge.
Arancha González Laya s’est résolue non à résoudre cette affaire avec une vigueur de parole et une force de caractère, mais en optant pour la fuite en avant. Il était difficile de voir à son attitude à quel point elle désapprouvait cet acte d’accueillir Ghali que rien n’autorisait, que rien ne justifiait. Où en viendrait-on si de pareilles mœurs se perpétuaient ? s’interroge Rabat qui dénonce un coup de poing.
«Qu’ils soient de droite ou de gauche, certains politiciens espagnols peinent à se débarrasser de ce qu’il faut bien appeler un complexe de supériorité vis-à-vis des Marocains» précise-t-il. Pour lui, la diplomatie espagnole doit reprendre son autorité collective et se concilier avec les principes les plus essentiels des intérêts marocains. Le séjour de Brahim Ghali en Espagne a été accompli au détriment de tous les droits de Rabat.
«Traiter un communiqué officiel [de la diplomatie marocaine sur Brahim Ghali] par le mépris n’est pas acceptable. Ce n’est pas la meilleure façon d’apaiser les esprits. Le Maroc est un pays qu’il faut respecter. Pour intolérable qu’elle soit aux yeux de certains, en Espagne et ailleurs, cette réalité est désormais incontournable», épingle M. Achour, avant de conclure: «ceux qui se complaisent dans l’attitude hautaine, l’arrogance et la condescendance devraient méditer ces propos et les reprendre à leur compte car ce qui est valable dans un sens l’est aussi dans l’autre.»