Si le peuple algérien se borne à regretter de ne plus entendre, comme jadis aux beaux jours de l’indépendance, des voix autorisées et puissantes plaider avec éclat ses causes aux tribunes internationales, c’est tout simplement parce que le régime actuel est obsédé par un seul dossier : le Sahara.
Qui se souvient de l’ancien ministre algérien des Affaires étrangères, Abdelkader Messahel ? En 2018, il a fait deux sorties intéressantes lors d’une visite à Paris. Dans la première, il a déclaré que «les pourparlers [concernant le dossier du Sahara] se sont toujours déroulés entre des représentants du Front Polisario et du Maroc et cela ne changera pas». Dans la deuxième, il a soutenu que «le conflit au Sahara n’est pas une affaire entre l’Algérie et le Maroc. C’est une affaire entre le Maroc et [le Polisario], c’est une affaire entre le Maroc et les décisions des Nations unies.»
Pourtant, c’est cette même Algérie — partie non impliquée, selon le martelage officiel — qui se dit opposée à une reprise de négociations sous forme de tables rondes organisées en Suisse, qui vend désespérément à qui veut l’entendre «le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination et à la pleine indépendance (…)», qui pose ses conditions pour la reprise du «processus politique» sous l’égide de l’ONU afin de régler le conflit, qui mène une sourde lutte d’influence au sein des organisations et rencontres internationales contre le Maroc à propos de l’affaire du Sahara.
L’Algérie bipolaire, en somme, qui a encore démontré, lors de la réunion du comité spécial des 24, un comité de l’ONU sur la décolonisation, qu’elle est obsédée par la question du Sahara. Le discours de l’ambassadeur Hilale sur les droits du peuple kabyle est clair. Amar Belani, «l’envoyé spécial chargé de la question du Sahara au ministère algérien des affaires étrangères (sic!)», est un homme à la santé fragile, mais remplit bien sa mission de rabatteur officiel. Sa réponse à Omar Hilale ne mérite qu’un haussement d’épaule. Dans son livre Le Maroc de Lyautey, Michel Abitbol dit le général Lyautey a trouvé, en 1912, «un vieil empire chargé d’histoire et de culture pour lequel il éprouvait le plus grand attachement et qui – rappelait-il à chaque occasion à ses concitoyens français – ne ressemblait ni à l’Algérie ni à la Tunisie, sous dominance ottomane.» Belani doit réviser ses leçons d’histoire.
Alors que nous nous sommes trouvés en Algérie, déclare Lyautey devant la chambre de commerce de Lyon en 1916, «en face d’une véritable poussière, d’un état de choses inorganique, où le seul pouvoir constitué était celui du dey turc effondré, dès notre venue, au Maroc, au contraire, nous nous sommes trouvés en face d’un empire historique et indépendant, jaloux à l’extrême de son indépendance, rebelle à toute servitude», un «État constitué, avec sa hiérarchie de fonctionnaires, de représentation à l’étranger, ses organismes sociaux dont la plupart subsistent toujours». Une éloquente réponse aux balivernes d’un homme sans avenir.
Quoi de plus borné, de plus pathétique, que ces déclarations algériennes émanées de hauts dignitaires de l’état, délibérant sous le contrôle immédiat d’un gouvernement qui n’a jamais passé pour follement épris du strict respect des affaires marocaines ; et n’est-il pas vraiment préoccupant que, dans ses lignes principales, particulièrement en ce qui regarde la responsabilité réelle de l’Algérie dans le conflit du Sahara, le régime semble confus ? Ce même régime qui s’irrite dès que la Kabylie est évoquée et qui voit d’assez mauvais œil tout ce qui s’y rapporte ?
On comprend que, traitées par des personnes aussi incompétentes, les graves questions régionales qui touchent de si près à l’avenir de l’Algérie aient eu le malheur de peu captiver l’attention publique. Les Algériens se plaignent encore aujourd’hui, non sans quelque apparence de raison, de l’insouciance cruelle que, sous le régime inique actuel, le gouvernement et les institutions semblent témoigner pour leurs intérêts les plus essentiels. Ils savent maintenant pourquoi.