«Une rupture prévisible», «un cumul de faux pas diplomatiques», «des malentendus profonds» : les mots étaient cinglants. «Il n’y aura pas de contact tant que des réponses ne seront pas apportées sur différentes questions qui ont été posées», a confirmé à l’AFP un haut responsable du ministère des Affaires étrangères en mars. Angela Merkel est partie, mais les réponses tardent à poindre.
La troisième conférence de l’initiative politico-économique Compact with Africa (CwA), s’est tenue fin août 2021, à Berlin, a connu la participation de plusieurs délégations africaines (dont le Bénin, Guinée, Côte d’Ivoire, Burkina Faso, etc.), mais, à en croire Africa Intelligence, le Maroc a boudé cet événement.
La chancelière allemande Angela Merkel, qui quitte la politique après la constitution d’un nouveau gouvernement attendu dans les prochaines heures, négocié par les sociaux-démocrates (SPD), vainqueurs des législatives du 26 septembre, avec les écologistes et les libéraux, laisse un lourd héritage marocain au social-démocrate Olaf Scholz, qui lui a succédé ce 8 décembre.
Des erreurs de jugement sur le Maroc de la désormais ancienne chancelière allemande en dit long sur sa méconnaissance de l’évolution profonde du royaume et sur sa place régionale. Berlin a tenu en janvier 2020 une conférence internationale sur la Libye, à laquelle le Maroc n’a pas été convié, alors qu’il est un acteur diplomatique majeur dans ce dossier. Le ministère des Affaires étrangères avait alors manifesté son «profond étonnement» : «Le Royaume a toujours été à l’avant-garde des efforts internationaux pour la résolution de la crise libyenne», avait-il rappelé. Crise que l’Allemagne, ajoutait le ministère, «ne saurait transformer en instrument de promotion de ses intérêts nationaux».
Début mars 2021; Rabat déclare avoir «suspendu» la coopération bilatérale, avant de rappeler «pour consultation» son ambassadeur à Berlin, en raison d’«actes hostiles» et d’«actions attentatoires à l’égard des intérêts supérieurs du royaume du Maroc». Une note signée par Nasser Bourita appelle l’ensemble de l’administration marocaine à «suspendre tout contact, interaction ou action de coopération, aussi bien avec l’ambassade d’Allemagne au Maroc qu’avec les organismes de coopération et les fondations politiques allemandes qui lui sont liés». Elle souligne que «toute dérogation à cette suspension ne pourra se faire que sur la base d’un accord préalable explicite du ministère des Affaires étrangères».
Le 27 janvier, la polémique a enflé lorsque le drapeau du Front Polisario a été hissé devant le Parlement régional allemand de Brême. Un geste dénué de tout bon sens.
Le 8 mai, l’on apprend que trois dossiers brûlants ont suscité le mécontentement marocain : «l’activisme antagonique» de Berlin sur le Sahara occidental, «la complicité coupable avec un ex-condamné pour actes terroristes» et «l’acharnement continu à combattre le rôle régional du Maroc, notamment sur le dossier libyen».
La référence à «l’activisme antagonique» allemand est liée à la reconnaissance américaine, le 10 décembre 2020, de la souveraineté marocaine sur le Sahara. Sans ménagement, le représentant allemand aux Nations-Unies, qui avait réclamé une réunion d’urgence du Conseil de sécurité sur le Sahara occidental, a évoqué le 21 décembre, quelques heures avant l’arrivée à Rabat du premier vol commercial direct entre Israël et le Maroc avec à son bord Jared Kushner, gendre et conseiller du président américain Donald Trump, un territoire «occupé par le Maroc» et appelé au respect du «droit international». «Il faut être juste, il faut être impartial, il faut avoir à l’esprit l’intérêt légitime de toutes les parties et il faut agir dans le cadre du droit international», avait déclaré l’ambassadeur allemand à l’ONU Christoph Heusgen le 24 décembre.
L’affaire Mohamed Hajib, un terroriste issu de l’école tabligh, condamné en 2010 à dix ans de prison, a participé à la crispation des relations bilatérales. Cet extrémiste, à la double nationalité marocaine et allemande, a été interpellé dans une zone djihadiste au Pakistan avant d’être expulsé par la police régionale du Land de Hesse vers le Maroc. Après sa libération en 2017, il est retourné en Allemagne, d’où il s’est mis à s’attaquer aux institutions marocaines sans qu’il soit inquiété.
Un autre point de crispation, quelques influentes fondations politiques allemandes opérant au Maroc, telles que Konrad Adenauer, Friedrich Ebert, Friedrich Nauman, Heinrich Böll et Hanns Seidel, qui ont exigé d’obtenir au Maroc un statut spécifique. Or, certains de ces établissements sont soupçonnés d’entrisme dans les affaires intérieures marocaines, notamment en accordant de généreuses subventions à des associations réputées pour leurs critiques constantes envers les autorités marocaines.






