Sacrifié le 9 octobre 2013 sur l’autel d’une entente entre le Parti de la justice et du développement (PJD) et le Rassemblement national des indépendants (RNI), lors de la formation du gouvernement II sous l’ère de Abdelilah Benkirane, Saad Eddine El Othmani que le roi Mohammed VI vient de charger de former le nouveau gouvernement, prend enfin sa revanche.
Ministre des affaires étrangères et de la coopération dans la première version du gouvernement Benkirane issu des elections législatives de 2011, Saad Eddine El Othmani, qu’on surnomme le « sage » du PJD avait à l’époque été prié de celer sa place à Salaheddine Mezouar. Il avait alors encaissé le coup en silence.
Quatre ans aprés, il revient par la grande porte, certes par « défaut »- situation de blocage politique oblige- mais il revient quand même sans attendre la décision du Conseil national de son parti qui devrait se réunir samedi, ce qui a pris de court les observateurs et la classe politique toutes tendances confondues. Le comment et le pourquoi de la chose, c’est à El Othmani et à son parti de l’expliquer.
Mais peu importe, l’essentiel est que l’intervention du roi Mohammed VI, que tout le monde appelait de ses vœux pour débloquer la pire crise politique qu’a connue le Maroc depuis son indépendance en terme d’absence de gouvernement, a fini par remédier à cette situation, à la limite loufoque.
En attendant de voir ce que fera le « sage »pour ramener tout le monde à la raison et partant accoucher d’un gouvernement même en patchwork, tout porte à croire que des concessions ont déjà été faites de la part de certaines formations politiques, comme par exemple un retrait de l’USFP dont l’obstination à figurer dans la nouvelle équipe, soutenu en cela par Aziz Akhannouch du RNI, a fait capoter la formation dudit gouvernement et coûter son poste à Abdelilah Benkirane.
Si l’on s’en tient aux termes du communiqué du Conseil national du PJD, pondu tard dans la soirée de jeudi, cette « nouvelle personnalité » du PJD qui devait être désignée et que tout le monde connait à présent, poursuivra la même politique de « négociations » que son prédécesseur Benkirane. Ce dernier a tenu tête à la pression d’Akhannouch, et bouté hors du nouveau gouvernement Driss Lachgar et sa formation politique, une manière de dire à ce dernier que si l’appétit vient en mangeant, en ce sens que l’USFP s’est déjà emparé du perchoir de la Chambre des représentants en la personne de Habib El Malki, sa part du gâteau, il l’a déjà consommée, et qu’il ne reste rien à manger.
Le style c’est l’homme, disait feu le roi Hassan II. El Othmani tout sage qu’il est avec son sourire affiché en permanence et qui agace plus d’un, pourra-t-il tenir tête à ces « dinosaures » que sont Lachgar et Akhannouch, ou finira-t-il par céder à leurs sirènes? Les marocains seront fixés dans quelques jours, ou quelques semaines, au pire dans quelques mois.
Ironie de l’histoire. Saad Eddine El Othmani a été sacrifié en 2013 sur l’autel d’une entente entre son parti et le RNI. Abdelilah Benkirane a, lui, été sacrifié sur l’autel de son désaccord avec ce même RNI. Comme quoi, ce parti qu’on taxait d' »administratif », a toujours le dernier mot.
Ainsi va la démocratie au Maroc, et comme disait Léon Gambetta, « la politique est l’art du possible ».






