Dans un acte fort, l’essayiste et théologienne Asma Lamrabet est apparue sans voile dans un cliché publié sur Facebook. Une réaction contre un système de pouvoir qui instrumentalise encore la femme et son corps et un positionnement hors du champ des normes sociales.
La conjoncture politique de la société française est scandée, actuellement, par le questionnement des propositions de régulation institutionnelle et/ou législative du port du voile, et par la réfutation presque défensive des courants qui s’en réclament.
Au Maroc, le médecin et essayiste Asma Lamrabet a crée l’événement, ce dimanche 20 octobre. Sur un cliché posté sur son compte Facebook, elle apparaît, pour la première fois, sans voile. Pour expliquer sa démarche, elle déclare que la véritable libération, c’est «être libre de toute aliénation, de toutes les idéologies hégémoniques» et de refuser d’obéir à des principes éculés, longtemps inscrits dans la «nature des choses.» Énoncé publiquement, le choix symbolique de retirer le voile s’inscrit pour Asma Lamrabet comme un contournement des solitudes et des assujettissements du contexte moral social.
De fait, Asma Lamrabet s’est attelée, dans ses différents travaux, aux dimensions, sociales et symboliques, conférées au corps féminin et la légitimation historique de certaines moralités. Pour elle, cet attribut vestimentaire est lourdement connoté, considéré comme un marqueur ethnique, spirituel et communautaire dans certains lieux et, dans d’autres, comme un symbole de prosélytisme religieux.
Le voilement du corps de la femme dans une société complexe est toujours corrélé à la sexualité et à la circulation des fantasmes, affirme Mme Lamrabet dans ses écrits, précisant que le mode d’énonciation du statut féminin, le forgeage de son identité sociale et psychique, l’assertion de son esthétique et de la désirabilité de son corps, ne constituent, en définitive, que les éléments d’une pratique de domination qui doit cesser.
La féministe marocaine a indiqué dans ses différentes interventions que le port du voile dans la tradition des sociétés musulmanes n’est pas spécifié de façon explicite dans l’exégèse du Coran, que cette pratique, s’est souvent justifiée, aux plans social et anthropologique, par des principes de pouvoir et d’assujettissement des femmes. Lamrabet cherche à transcender l’interdit, à libérer les apparences, à réinterpréter le passé mythique des premiers temps de l’islam, à inventer une nouvelle symbolique qui se construira autour d’une éthique plus souple du vêtement.
Pour le sens commun, le voile (du latin velum) désigne une étoffe qui sert à couvrir la tête et le visage des femmes. Et, par analogie, une pièce qui sert à dissimuler une partie du corps. Dans son sens figuré, le voile désigne ce qui nous dérobe au soir, ce qui empêche la « préhension » ou l’appréhension d’un concept, d’une théorie, d’une pensée. Au-delà du vêtement, c’est le statut social de la femme qui compte.
Asma Lamrabet questionne le paradoxe qui fait du voile, objet intégré dans les rapports de domination et « quelques fois, objet d’affirmation féminine ». Elle rejette la démission de l’individualité sous le poids des contraintes sociales et réclame une nouvelle manière de se libérer.






