L’Initiative Nationale pour le Développement Humain (INDH) a organisé aujourd’hui à Skhirat, les premières Assises Nationales du Développement Humain, avec comme axe central développement de la petite enfance. A cette occasion, un débat sur la politique intégrée en faveur de développement de la petite enfance a été organisé. Reportage.
S’exprimant lors du troisième panel de la première édition des Assises Nationales du Développement Humain sur la politique intégrée en faveur de développement de la petite enfance, Noureddine Boutayeb, ministre délégué auprès du ministre de l’Intérieur, a souligné que l’INDH mise sur le développement humain.
Cette initiative, lancée en 2005, a proposé des concepts novateurs.Et comme il n’était pas possible de remédier à tous les problèmes soulevés à l’époque, faute de budget, il était question de procéder à une opération de ciblage. Par conséquent, les communes pauvres et défavorisées, ayant un taux de pauvreté de plus de 35%, ont été les premières communes visées par cette initiative dont l’objectif est delutter contre la précarité à travers une logique territoriale, ascendante, participative et inclusive.
S’agissant de la deuxième phase, M. Boutayeb a noté qu’elle visait à résoudre la demande importante en infrastructure, « en hard » autrement dit, à travers la mise en place d’un programme de mise à niveau territorial qui a concerné 3.300 douars dans 22 provinces défavorisées.
Cependant, la troisième phase a pris un autre tournent axé sur le soft, ou le capital humain. D’ailleurs, M. Boutayeb a fait référence au discours du Monarque, qui a été lu ce matin par le ministre de l’Intérieur, M. Abdelouafi Laftit. En effet, le Souverain a indiqué qu’investir « dans les aspects immatériels du développement humain, dont la petite enfance est un axe majeur, constitue la condition nécessaire pour l’édification du Maroc de demain ». Il s’agit d’une action qui « ouvre des perspectives prometteuses aux générations montantes, en leur offrant de nouvelles opportunités. »
Pour M. Boutayeb, cette phase ne cible pas les territoires, mais les poches de précarité en s’attaquant aux freins du développement de l’humain. Il a également insisté sur le fait que la petite enfance est une fenêtre d’opportunités essentielle pour le développement du capital humain, « si elle se referme, elle est ratée », a-t-il dit tout en ajoutant que l’INDH s’intéressera, durant cette phase, aussi au milieu rural en travaillant davantage pour relever ce défi de qualité afin de contribuer à l’éveil des enfants éveillés et en faire des écoliers heureux de rejoignent les bancs de l’école.
Il a également mentionné que derrière l’INDH se trouve « le ministère de l’Intérieur qui est l’instrument le plus capillaire qui peut accompagner l’INDH dans l’implantation de ses programmes ». D’après lui, le ministère de l’Intérieur se définit comme « étant un ministère qui est au service de la population » puisque son intérêt est que « la population se porte bien ».
Concernant le nouveau modèle de développement, M. Boutayeb a mentionné que « la fondation du nouveau modèle de développement ne peut être faite que par le renforcement du capital humain. Ce modèle doit construire et aider le Marocain de demain. Un Marocain éduqué, rigoureux et productif. Le commencement est le capital humain, il faut commencer par la petite enfance qui est la fenêtre de l’avenir. Si ce nouveau modèle ne traite pas ces problèmes de l’éducation, il n’ira nulle part ».
Il a également relever qu’il faut miser sur un modèle qui se base sur la déconcentration et sur la régionalisation. « Moins de bâtisses et plus de services, offerts d’unité par unité, et plus de soft et moins de hard », a-t-il précisé.
Sur les traces de M. Boutayeb, M. Ahmed Reda Chami, Président du Conseil Economique, Social et Environnemental (CESE), a annoncé qu’il est nécessaire d’avoir un modèle de développement qui assure une croissance forte, inclusive et durable qui garantit l’égalité des chances et favorise l’épanouissement et le renforcement des capacités des individus au sein d’une société prospère centrée sur le citoyen.
« Le Maroc doit demain devenir le pays d’un citoyen anonyme« , a-t-il précisé tout en indiquant que le citoyen de demain doit être « formé dès le départ », il doit être aussi « épanoui », « un individu à qui on a donné des chances de construire son avenir et construire de la richesse ».
Pour ce faire, il est essentiel de miser sur l’égalité des chances. Aujourd’hui, « 3% des cadres supérieurs marocains sont fils d’agriculteurs tant que 6.5% de ces cadres sont fils d’ouvriers ». Certes, l’éducation est répandue, mais « qu’en est-il de sa qualité ? ». Il faut aussi penser à promouvoir l’inclusivité puisque le taux d’activité des femmes est de 22.3%. « On ne deviendra jamais un pays émergeant si on garde ce taux à l’avenir », a-t-il expliqué.
Pour remédier à ces « faiblesses structurelles« , il est essentiel de s’intéresser au capital humain et aux services publics. Il faut aussi « libérer les énergies entrepreneuriales » tout en optant pour un « choc entrepreneurial ». D’après le président de CESE, le préscolaire est très important pour pallier ces faiblesses structurelles.
M. Chami a fait savoir que « l’intelligence est universelle ». Selon lui, le problème de l’éducation au Maroc est lié aussi à la qualité des enseignants. Dans ce contexte, il a rappelé l’enquête menée par l’Organisation Marocaine des Droits Humains (OMDH), à travers laquelle des informations concernant l’environnement physique de l’école, les performances des enseignants et les acquis en mathématiques et en langues des élèves de la quatrième année primaire ont été relevées dans certaines écoles. Cette enquête, datée de 2017, a révélé des performances médiocres, notamment en français, en arabe et en pédagogie, ce qui traduit la qualité médiocre des enseignants.
D’après M. Chami, quand on parle d’éducation, tout le monde se pose des questions sur le budget énorme dépensé dans ce secteur vital. Pourtant, ce budget, malgré son coût qui, pour certains, est exorbitant, doit être dépensé.
Par la suite, M. Chami a déclaré qu’il a été satisfait du fait que la vision stratégique de la réforme de l’éducation 2015-2030 étant donné qu’elle prend compte des recommandations des anciens rapports du CESE qui visent à promouvoir le préscolaire, « ceci reflète une bonne entente et une bonne collaboration entre le CESE et le ministère de l’Education », a-t-il signalé.
Afin d’optimiser les chances de la petite enfance, le Président du CESE pense qu’il est nécessaire de « définir rapidement une gestion normalisée et contrôlée et unifiée du préscolaire » pour ne pas avoir « plusieurs systèmes à plusieurs qualités et à plusieurs vitesses ». Il a appelé, durant les premières assises de l’INDH, à veiller à un vrai système de formation des éducateurs et à adopter un système de veille pour évaluer cette nouvelle politique publique.
Quant à Jesko Hentschel, Directeur du département Maghreb et Malte de la Banque mondiale, il a rappelé, durant son allocution, la dimension multidimensionnelle et multisectorielle évoquée ce matin lors du deuxième panel de la première édition des Assises Nationales du Développement Humain sur les projets et les outils innovants en faveur de la santé et de la nutrition chez la mère et l’enfant. Il a également indiqué qu’une politique intégrée en faveur de développement de la petite enfance doit durer dans le temps, elle ne doit pas disparaître brièvement et changer lors du passage d’un gouvernement à un autre.
Il s’agit d’une politique qui exige une planification appropriée ainsi qu’une prévisibilité adéquate. Pour ce faire, cette politique nécessite un investissement substantiel. Lors de son allocution, le Directeur du département Maghreb et Malte de la Banque mondiale a partagé avec l’audience l’expérience du Chili en évoquant le programme « Solidario du Chili ». Ce modèle a cherché à faire en sorte que les familles les plus pauvres recueillent plus pleinement les fruits du développement économique rapide du pays.
M. Hentschel a aussi annoncé que les enfants doivent figurer au coeur des politiques publiques. Cependant, il a cité que, d’après ses expériences de travail dans plusieurs pays, il est nécessaire d’avoir une situation macroéconomique stable pour avoir un cadre fiscal et une discussion optimale sur la petite enfance.
Pour rappel, les Premières Assises Nationales du Développement Humain ont été consacrées au développement de la petite enfance, thématique centrale du Programme 4 de la phase III de l’INDH et moment déterminant du développement de l’individu. L’INDH a identifié trois priorités dans le domaine de la petite enfance : l’amélioration de la santé et de la nutrition de la mère et de l’enfant, et la généralisation de l’accès à un enseignement préscolaire de qualité en milieu rural.