Malgré un soutien rapide, l’économie marocaine n’échappera pas à une récession sévère cette année, indique BNP Paribas dans une récente note de recherche.
La stabilité macroéconomique ne semble pas menacée. Mais la pression sur les comptes publics limite les marges de manœuvre. Selon une publication d’Eco Emerging, l’arrêt brutal de l’activité touristique, la chute des exportations à destination de l’Europe et l’écroulement de la demande domestique au T2 vont se traduire par une contraction du PIB de l’ordre de 6%. Si un rebond de la croissance est espéré pour 2021 grâce à une bonne campagne agricole, le redressement des activités hors agriculture risque d’être long.
Alors que la circulation du virus s’est de nouveau intensifiée ces dernières semaines, les autorités marocaines continuent de chercher le bon équilibre entre urgences sanitaire et économique. L’annonce du plan de soutien lors du discours du Roi Mohammed VI illustre cette stratégie. Dans un environnement instable, cette volonté de préserver la stabilité macroéconomique rassure.
L’économie marocaine, déjà pénalisée au T1 2020 par la contraction de 5% de la valeur ajoutée agricole, en raison de conditions climatiques défavorables, a connu une chute spectaculaire de son activité au T2. Avec le confinement, la demande domestique s’est écroulée, aussi bien l’investissement que la consommation des ménages, en dépit d’une inflation extrêmement basse. De plus, en raison de sa dépendance au marché européen et du poids élevé du tourisme, le pays a subi un choc extérieur puissant. Le repli de 21,4% de l’indice de la production manufacturière, hors raffinage de pétrole, au T2 s’explique ainsi en grande partie par les difficultés des filières exportatrices, secteur automobile en tête (-57%). L’effondrement de 90% de la valeur ajoutée de la branche « hôtellerie, restauration » a amputé la croissance de 2,3 points de pourcentage. Malgré la bonne tenue des services financiers, le secteur tertiaire (50% du PIB) s’est contracté de 14,9% au T2. Si une amélioration est attendue au second semestre, la récession s’annonce donc sévère, à 5,8%, souligne la note.
Par ailleurs, la pression sur les finances publiques est significative. Sur les huit premiers mois de l’année, les ressources fiscales et non fiscales affichent des replis de 8% et 14% respectivement. En outre, le déficit budgétaire s’est creusé de 50% par rapport à août 2019 et une loi de finances rectificatives a dû être votée pour la première fois depuis 1990. Le déficit est désormais attendu à 7,6% du PIB contre une cible initiale de 3,8%. La dette du gouvernement devrait s’alourdir de plus 10 points à 76% du PIB. Il existe ainsi des risques budgétaires contingents à la situation financière des entreprises publiques également affectées par la crise. La dette extérieure garantie par l’État atteignait 15,5% du PIB en 2019. Or, celle-ci n’est pas incluse dans le périmètre de la dette du gouvernement. Néanmoins, la dégradation des finances publiques reste supportable dans la mesure où l’État continue de se financer à des conditions avantageuses. En dépit d’un gros volume d’émissions depuis le début de l’année, les taux des bons du Trésor n’ont ainsi jamais été aussi bas, ce qui devrait permettre de contenir la charge d’intérêts à moins de 13% des ressources budgétaires, explique-t-on dans cette note de recherche.
La capacité de rebond de l’économie marocaine est difficile à évaluer. Si une meilleure campagne agricole est espérée en 2021 après deux années difficiles, le redressement des activités hors agriculture ne sera que graduel dans le meilleur des cas. Un retour à la normale pour l’activité industrielle reste également hypothétique, même si une hausse de la production d’automobile dans la toute récente usine de PSA devrait permettre de soutenir les exportations. Surtout, les incertitudes sur la santé du tissu économique sont nombreuses.