La récente ouverture de plusieurs consulats au Sahara marocain marque «le début d’une consécration diplomatique», selon Nasser Bourita. Le Maroc ajuste sa politique étrangère rapport aux développements de l’intégration africaine que par rapport à d’autres espaces dans le monde.
Après les Comores, la Gambie, la Guinée et le Gabon, c’est au tour du Burkina Faso, de la Guinée-Bissau et de la Guinée-Équatoriale de se joindre au ballet consulaire lancé au Sahara. Le Maroc a connu, en l’espace de quelques années, de profonds changements. Ses relations internationales ont connu une importante évolution, tant au niveau des acteurs qu’à celui des orientations stratégiques de sa politique étrangère. Une dizaine d’ambassades et de consulats marocains à travers le monde ont été inaugurés dans des pays stratégiques. La représentation marocaine auprès des instances internationales et régionales s’est également augmentée.
La Guinée Équatoriale et la Guinée Bissau ont ouvert, le 23 octobre, leurs consulats généraux à Dakhla. Pour rappel, la ville de Dakhla compte neuf représentations consulaires. Il s’agit des consulats généraux de Guinée, qui a commencé à offrir ses services le 17 du même mois, de Djibouti (28 février), du Liberia (12 mars), du Burkina Faso, de la Guinée Bissau et de la Guinée Equatoriale (23 octobre).
En plus à partir de 2016, le Royaume a déployé une véritable dynamique de densification de ses rapports avec ses voisins subsahariens. Elle fut marquée par la conclusion de conventions de diverses natures et des rencontres de haut niveau entre le roi Mohammed VI et des dirigeants africains. Début 2019, le Parlement européen a voté un texte étendant au Sahara les tarifs douaniers préférentiels octroyés par accord commercial au Maroc, sans contredire la jurisprudence européenne. Le vote de ce texte a été considéré comme une «nouvelle étape dans le partenariat stratégique» entre l’Union européenne (UE) et le Maroc.
Rabat a inauguré avec les pays africains une politique de coopération dans de nombreux domaines, de l’économie à la culture, concluant aussi des accords et conventions sur les plans politique, économique et juridique. L’originalité de cette démarche diplomatique est que le Maroc a doté son engagement continental d’un contenu symbolique oscillant entre réalisme et efficacité. La densité des efforts engagéspar la diplomatie marocaine a permis de faire de l’Afrique une zone d’accueil centrale pour les investissements marocains, ce qui fait du Royaume le deuxième investisseur africain sur le continent et le premier en Afrique de l’Ouest.
Le Maroc suit une capacité d’anticipation, de veille et de suivi qui dépasse de loin l’unique exigence d’analyse a posteriori. Le pays est considéré comme une puissance de proposition plutôt que de blocage. Ses positions sont d’autant plus crédibles et légitimes qu’elles se fondent sur un regard novateur des grands enjeux transversaux, plutôt que sur une frilosité — réelle ou supposée — liée à des facteurs internes. Le défi n’est pas aisé ; il implique à la fois une évolution de l’outil diplomatique et un progrès de ses perceptions du monde.
Construction de routes, aménagement des ports, lancement de parcs industriels, nouvelles liaisons aériennes, le Maroc a accéléré également le développement économique du Sahara. Preuve de cette politique volontariste, les autorités marocaines avaient organisé avec la France un grand forum d’affaires à Laâyoune en 2018 pour convaincre les entreprises françaises de «donner un nouvel élan à leurs affaires» dans une région présentée comme un «modèle de développement territorial».
Bloqué depuis des années, le processus de négociation mené par l’ONU reste inerte. Avec ses immenses infrastructures, Laayoune se veut la vitrine des investissements lancés ces dernières années – avec notamment plus de 49 milliards de dirhams prévus d’ici à 2021 pour le seul plan de développement régional. L’usine de traitement de phosphate exploitée par le géant marocain OCP et le grand port de pêche voisin seront les poumons de la perle du Sud.
Pour développer la ville de Dakhla, plus au sud, les autorités marocaines mettent l’accent sur le tourisme, avec de grands événements à large retentissement. Les élus locaux organisent aussi des conférences internationales avec des invités de marque –ainsi que des matchs de gala avec des anciennes stars du football.
En plus des accords de pêche et d’agriculture signés avec l’Union européenne et les liaisons aériennes lancées, le Maroc se repose sur l’importance des ressources symboliques dont il dispose pour l’établissement de liens avec les pays africains. Pour rappel, le partenariat stratégique UE-Maroc inclut notamment des aides européennes relatives à la question migratoire, qui représente un enjeu crucial pour l’Europe. L’Espagne, en face des rives du Maroc, est redevenue la première porte d’entrée en Europe, selon des statistiques récentes.
Le succès de l’offensive diplomatique et économique entre dans le cadre d’une nouvelle stratégie accrue englobant une bonne maîtrise des réalités. La politique étrangère marocaine, réactive, s’adapte avec pragmatisme aux défis sans cesse renouvelés qu’imposent les soubresauts des évolutions internationales.