Assiégé de toutes parts, le chef du Gouvernement, chef du Parti de la Justice et du Développement (PJD) ne sait plus à quel roi gouvernement, parti ou presse se vouer. Habitué aux sorties médiatiques aussi fracassantes les unes que les autres, Benkirane semble enfin faire sienne cette citation du scientifique, homme d’État et philosophe anglais , Francis Bacon ( 1561-1626) qui disait: « Le silence est une espèce de sommeil qui nourrit la prudence ». C’est ce silence et cette prudence que Benkirane entend pratiquer jusqu’à la fin de son mandat en octobre prochain, date du prochain scrutin législatif.
Il faut dire que les coups, qu’ils soient hauts ou bas, le guide du PJD en a encaissés. D’abord d’une partie de la classe politique, en particulier de son sparring partner habituel le PAM, de la presse qui ne l’a carrément pas ménagé surtout en cette dernière ligne droite de son mandat et puis, de certains ministres supposés agir sous ses ordres, notamment de l’intérieur, de l’Economie et des finances et dans une certaine mesure de l’Education et de l’Agriculture.
Mais le KO, est venu du chef de l’Etat, le roi Mohammed VI dans son récent discours du trône. Ce dernier a tout, sauf mâché ses mots à l’endroit des différents partis politiques qu’il a sommés de ne pas exploiter son nom dans leur campagne électorale. Bien évidemment, l’allusion faite à Benkirane était trop évidente. C’est dire qu’il l’a bien cherchée ce Benkirane qui ne ratait, jusqu’à présent aucune occasion- de préférence les meetings de son parti les week-end- pour s’en donner à cœur joie à ses diatribes, oubliant qu’il est le chef du Gouvernement, en disant ce qu’il pense de ses adversaires, tout en faisant allusion à ses rapports de proximité avec le Palais dont il ne cesse d’ailleurs, en des termes à peine voilés, de l’accuser d' »abriter » un « shadow cabinet » (gouvernement de l’ombre).
« Je dis à tout le monde, majorité et opposition : Assez de surenchère patriotique dans des règlements de compte personnels ou la quête d’intérêts partisans étriqués! », a martelé le roi lors de son discours samedi à l’occasion du 17e anniversaire de la fête du trône. Le message est on ne peut plus clair et Benkirane semble l’avoir bien compris cette fois-ci. Alors, il a réagi, un peu tard mais il a réagi quand même en sommant, lui aussi, ses « brebis galeuses » à pratiquer l’omerta. Il vient ainsi de se distancier des propos enflammés de certains des membres de son parti tels Omar Senhaji, ou encore Amina Maa El aïnine, cette dernière ayant qualifié de « liberté d’expression » l’appel au meurtre de tous les opposant du PJD.
Profitant de la réunion du secrétariat général du parti de la Lampe, mardi 2 août à Rabat, Benkirane a laissé de coté la carotte pour manier le bâton et dire à ceux qui tentaient de l’imiter dans ses sorties fracassantes, que dorénavant, il va falloir se la boucler, et éviter de nuire ou de viser des personnalités publiques au risque d’impliquer le parti. Selon lui, un tel comportement est contraire à la loi et à l’éthique, affirmant au passage que les positions du parti et sa vision ne peuvent être exprimées que par le secrétariat national et son secrétaire général, autrement dit lui, et que le parti n’assume nullement la responsabilité de ce qui se dit en dehors de cette instance. Une allusion au jeune Omar Senhaji et Amina MaaEl Ainine notamment, qui viennent de faire l’objet d’une plainte déposée par une ONG des droits de l’homme, et qui a valu au premier « une visite » aux locaux du Bureau central des investigations judiciaires (BCIJ).
Le discours royal, dans lequel Mohammed VI a également tenu à rappeler à l’ensemble de la classe politique que « la personne du Roi jouit d’un statut particulier dans notre système politique. Tous les acteurs, candidats et partis confondus, doivent, donc, se garder de l’instrumentaliser dans quelque lutte électorale ou partisane que ce soit », a sonné comme un glas pour Benkirane qui a bien saisi ce message, et comme disait ce même philosophe anglais: « Le silence donne à tout ce qu’on dit ensuite de la grâce et de l’autorité ». Alors silence si Benkirane.