Alors que l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, 75 ans, croupit dans une prison algérienne et lutte pour sa survie, Amnesty International n’a pas encore réagi. L’organisation, si prompte à dénoncer avec fracas des situations bien moins graves ailleurs, notamment au Maroc, semble ici avoir choisi l’inaction et l’indifférence. Ce mutisme face à un cas aussi tragique soulève une question brûlante : Amnesty International aurait-elle une indignation sélective ?
Les nouvelles alarmantes sur la santé de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, 75 ans, incarcéré en Algérie depuis mi-novembre pour des accusations relevant de l’atteinte à la sûreté de l’État, continuent d’affluer. Son état de santé fragile suscite l’inquiétude et les appels pressants de son avocat et de son éditeur. Pourtant, l’absence de réaction publique d’Amnesty International face à cette situation dramatique laisse perplexe.
Boualem Sansal, auteur reconnu pour ses œuvres critiques à l’égard du pouvoir algérien, est confronté à des conditions de détention qui menacent directement sa vie. Transféré récemment à l’hôpital Mustapha à Alger, ses biopsies ont révélé des résultats «préoccupants», selon son avocat, François Zimeray. Celui-ci a lancé un appel pressant aux autorités algériennes pour qu’elles fassent preuve «d’humanité.» Lors d’une récente soirée de soutien organisée au Théâtre Libre à Paris, Antoine Gallimard, P-DG des éditions Gallimard, a confirmé que M. Sansal avait été replacé dans une unité pénitentiaire de soins, soulignant l’extrême précarité de son état.
Malgré ces boulversements, la réponse des autorités algériennes reste inchangée. Le 11 décembre, François Zimeray avait déjà dénoncé le transfèrement brutal de Boualem Sansal vers la prison de Koléa, à 35 km d’Alger, sans notification préalable à sa famille ou à sa défense. La demande de libération provisoire déposée par ses avocats a également été rejetée, prolongeant son calvaire dans un contexte de répression systémique des voix dissidentes en Algérie.
L’étonnant mutisme d’Amnesty International
Face à ce drame, l’absence de réaction officielle d’Amnesty International étonne et interpelle. L’organisation, pourtant prompte à s’alarmer dès qu’un journaliste ou un activiste marocain condamné pour des faits réels est confronté à des désagréments mineurs, semble étrangement silencieuse devant la détérioration critique de l’état de santé de Boualem Sansal. Alors que l’auteur du Serment des barbares se bat littéralement pour sa survie, Amnesty reste absente, privant ainsi cette affaire d’une tribune internationale cruciale.
Il est impossible de ne pas faire la comparaison avec la vigilance d’Amnesty lorsqu’il s’agissait de situations autrement moins graves au Maroc. Qu’un journaliste marocain modifie son régime alimentaire ou refuse un traitement médical, Amnesty émettait des communiqués indignés, convoquant à la hâte des conférences de presse et critiquant ce qu’elle qualifiait d’atteintes aux droits humains. Ici, en Algérie, face à un intellectuel de 75 ans emprisonné dans des conditions indignes et dont la santé se détériore rapidement, le retrait de l’organisation provoque de sérieuses préoccupations.
Un contexte répressif sans précédent en Algérie
Boualem Sansal n’est pas une victime isolée. L’article 87 bis du code pénal algérien, sous lequel il est poursuivi, est régulièrement utilisé pour museler les voix critiques et réprimer toute dissidence. Qualifiant de «terroriste ou subversif» tout acte présumé porter atteinte à la sûreté de l’État ou au fonctionnement des institutions, cette disposition législative sert d’arme pour réduire au silence les intellectuels, journalistes et militants. L’arrestation de Sansal à l’aéroport d’Alger le 16 novembre s’inscrit dans ce schéma inquiétant.
La non-réaction d’Amnesty International dans ce contexte ne peut être perçue que comme une faillite morale. Sa réserve face au calvaire de Boualem Sansal, un écrivain mondialement reconnu dont l’œuvre a toujours prôné la liberté et dénoncé les abus politiques et sociétales, contraste avec ses campagnes vigoureuses ailleurs. Une telle disparité dans le traitement des affaires est difficile à justifier.
L’urgence de la situation exige une mobilisation immédiate, instantanée et vigoureuse. Si les autorités algériennes persistent à ignorer les appels à la clémence, il incombe aux organisations internationales, aux intellectuels et aux gouvernements de faire pression pour garantir à Boualem Sansal un traitement humain et une libération au moins conditionnelle. Amnesty International, qui s’est toujours présentée comme un défenseur des droits humains universels, a le devoir d’agir.
Laisser un homme dépérir dans une prison algérienne, c’est cautionner tacitement une répression inhumaine, c’est une trahison à tous les principes. Il est temps qu’Amnesty International prenne ses responsabilités et s’exprime clairement sur le cas de Boualem Sansal, avant qu’il ne soit trop tard. Le Maroc, lui, prend note de ces troublants dérèglements dans la conduite d’Amnesty.