Le journaliste Ignacio Ortíz affirme que l’Espagne ne respecte pas la séparation des pouvoirs et l’indépendance judiciaire. Pour lui, Madrid tient une position unique de complicité avec les crimes de Brahim Ghali et ses violations des droits humains.
L’affaire Ibrahim Ghali contient «des données difficiles à digérer», affirme le journaliste espagnol Ignacio Ortíz. «Par exemple, il a été question de la promesse d’un supposé “bouclier judiciaire” du gouvernement espagnol à Brahim Ghali – en raison de ses affaires judiciaires en cours -, promesse qui aurait été faite aux représentants de l’État algérien qui, dit-on, ont servi de médiateurs dans la négociation de son arrivée dans notre pays» détaille-t-il.
«Cela nous conduirait à un scénario dans lequel le pouvoir exécutif d’une démocratie consolidée comme celle de l’Espagne ne respecte pas la séparation des pouvoirs et l’indépendance judiciaire» a noté le journaliste, ajoutant que «si le juge correspondant estime qu’il est opportun de réaliser les actions judiciaires qu’il considère, il le fera».
Nasser Bourita a souligné le 1ᵉʳ mai que Rabat n’a pas encore reçu de Madrid de réponses aux questions qu’il a soulevées, en référence à l’hospitalisation du dirigeant séparatiste. «Pourquoi les autorités espagnoles ont-elles considéré qu’il n’était pas nécessaire d’informer le Maroc (de l’arrivée de Ghali en Espagne)? Pourquoi ont-elles préféré coordonner avec les adversaires du Maroc (en référence à l’Algérie)? Est-il normal que nous l’ayons découvert par la presse?», a insisté Nasser Bourita.
Le chef de la diplomatie marocaine a considéré que cet épisode «est un test sur la fiabilité des relations bilatérales et leur sincérité, et sur le fait de savoir s’il s’agit de plus qu’un slogan», et l’a comparé au traitement que Rabat a donné dans le passé aux dirigeants indépendantistes catalans. «Lorsque l’Espagne a fait face au séparatisme (catalan), le Maroc a été très clair, et au plus haut niveau : rejeter tout contact et interaction avec les indépendantistes et informer nos partenaires (espagnols). Quand (les Catalans) nous ont demandé de les recevoir au ministère, on a exigé que quelqu’un de l’ambassade d’Espagne soit présent», a-t-il dit. «Avec les partenaires, il n’y a pas de manœuvre derrière le dos pour une question (le Sahara) fondamentale pour le Maroc», a-t-il souligné.
En Espagne, plusieurs courants de la société civile appellent à juger Ghali, lequel affronte des chefs d’accusation gravissimes. «La situation médicale de Ghali n’est pas une mince affaire. Des milliers de personnes en dépendent, c’est quelque chose d’intérêt général qui détonne avec le prétexte avancé par les autorités sur la vie privée du patient» dévoile M. Ortíz.
Nasser Bourita a estimé que «l’affaire Ghali» reflète «le double visage du Polisario: alors que ses dirigeants ont droit à un avion privé et à une nouvelle identité (avec laquelle ils auraient été hospitalisés à Logroño), leur population kidnappée à Tindouf n’a même pas n’ont pas de masques ni de gel hydroalcoolique, alors qu’elle est dévorée par la Covid dans l’indifférence la plus totale». Pour M. Bourita, l’Espagne ferme les yeux sur les «atrocités» de Ghali: «C’est un violeur qui a toléré l’esclavage, la torture, les crimes de guerre, les enfants soldats et le génocide, et l’Espagne le sait avant tout le monde. votre relation avec le Maroc pour cette personne?», a-t-il souligné.
Les arrangements clandestins algéro-espagnols de cette crise ne satisfait ni les associations sahraouies plaignantes, qui ont dénoncé «l’abandon des intérêts des victimes à la raison d’État d’un pays», ni les ONG de défense des droits de l’homme, qui font part de leur «préoccupation [relativement à cet événement qui] risque de consacrer l’impunité de Brahim Ghali», ni les victimes de ce dernier, qui remettent en cause «l’effectivité de l’accès à une justice indépendante et impartiale, par un contournement des règles espagnoles de compétence répressive internationale».