La crise du coronavirus, au niveau mondial, est aussi une crise spirituelle, écrit Asmae Lamrabet, sur les colonnes du dernier Hors Série de Telquel. Selon l’islamologue et essayiste, nous assisterons à « un renouveau spirituel » dans le monde post-coronavirus, où “les religions institutionnalisées, portées par leurs représentants officiels, devront sûrement (…) revoir leurs copies ».
« Cette crise est aussi spirituelle, puisqu’elle nous met face à des questions existentielles, (…) nous pousse, malgré nous, à nous interroger sur nous-mêmes, sur le sens de la vie, et surtout sur celui de la mort qui a toujours été là mais jamais avec une telle acuité », écrit Asmae Lamrabet. La crise du coronavirus a remis le monde entier en face à une désillusion à part entière. L’humain, qui vivait l’illusion de l’éternité, de la maîtrise du monde, des libertés sans limites, de la supériorité humaine par rapport à notre environnement naturel, voit cette vision du monde s’effondrer subitement, et se retrouve face à sa vulnérabilité, explique Asmae Lamrabet.
Indépendamment des différents discours religieux, le monde entier ressent la même peur, et y répond de la même manière : le besoin d’aider, de prier, d’espérer, de se solidariser, de donner, continue Lamrabet. Cette renaissance spirituelle commune « ne sera pas une nouvelle religion, mais plutôt une remise en cause de l’approche de toutes nos traditions religieuses, mystiques, ou idéologiques sectaires. Les religions institutionnalisées, portées par leurs représentants officiels, devront sûrement, dans cet après-crise, revoir leurs copies », explique l’islamologue. Ainsi, ces religions institutionnalisées devront « sortir de leur ethnocentrisme frileux, de ces concepts dogmatiques abstraits et vides de sens de mécréance, du bien et du mal, du peuple élu, du monopole de la Seule Vérité qui ont fait et font encore tant de dégâts autour de nous ».
Ces changements ne s’opéreront sûrement pas sans résistance, prévient Asmae Lamrabet « car c’est le propre de l’être humain que de s’accrocher à ses habitudes et repères archaïques ». Cependant un « déclic spirituel » est sûrement à prévoir, « celui d’une spiritualité qui, tout en étant enracinée dans sa tradition religieuse ou dans sa propre vision du monde, sera portée par un autre souffle libérateur et surtout inclusif. Une spiritualité intelligente, sereine, qui ne scindera pas l’humanité en croyants et mécréants, en privilégiés et indigents, en ceux qui ont tous les droits et ceux qui n’en ont aucun ».