Depuis quelques temps, la stratégie défensive de Taoufik Bouachrine consiste à produire des énoncés succincts en anticipant plus au moins leurs conditions de circulation et à surfer sur l’actualité sociétale. Pour recouvrer la liberté, il se permet toutes les manipulations. Peine perdue.
Le 16 octobre, le Roi Mohammed VI a gracié la journaliste Hajar Raissouni, condamnée, quelques semaines auparavant, à un an de prison pour «avortement illégal» et «relations sexuelles hors mariage». La jeune femme de 28 ans a été graciée et libérée en même temps que son fiancé et l’équipe médicale qui avaient été condamnés avec elle. Entre-temps, et afin d’exercer une prétendue influence sur le cours de son procès, Taoufik Bouachrine a tenté de mettre son affaire et celle de Hajar Raissouni dans une posture égalitaire.
Quelques heures après, les responsables de la page de Bouachrine sur le réseau social Facebook rapportent une déclaration attribuée à celui qui est accusé de «traite d’êtres humains», «abus de pouvoir à des fins sexuelles», «viol et tentative de viol» où il espère «que la grâce royale [accordée à Mme Raissouni] s’étendra à son cas» pour que la joie «soit complète (sic!)» Comme si les codes traitent avec les mêmes imputations les relations extra-conjugales, le harcèlement, le viol et l’abus de faiblesses. Et Bouachrine découvre des licences où les bonnes âmes ne voient que des enfers. Détournement illégitime du cas de Hajar Raissouni pour instituer un glissement aussi inepte qu’inacceptable, , sans honte ni pudeur. Lui dont les abus ont conduit il y a peu une de ses ex-employées à un acte désespéré.
Dès le début, l’ex-dirigeant de Akhbar Al Yaoum, à travers ses anciens canaux de diffusion des idées, a tenté de s’arrimer directement à Hajar Raissouni. Avec l’aide de l’oncle de cette dernière, il lui a associé une étiquette de journaliste critique qui couvre les mobilisations civiques, alors que Hajar Raissouni n’a publié que des articles modérés dont l’audience est restreinte. Une journaliste dans un média alternatif connue pour son engagement protestataire est le profil idéal pour installer une tendance lourde alors que le verdict sur son affaire sera bientôt prononcé.
Taoufik Bouachrine ne se contente plus de la dénégation de ses victimes, de la stigmatisation de leur situation. Il a instrumentalisé l’affaire de Hajar Raissouni pour donner libre cours à sa fièvre dénonciatrice et justificatrice. Il feint d’ignorer que le tribunal l’a reconnu coupable de toutes les charges retenues contre lui, qu’il a été condamné à douze d’emprisonnement en première instance qui risquent d’être relevés à 20, et à octroyer à ses victimes des indemnisations allant de 100.000 à 500.000 dirhams, que cinquante enregistrements vidéo ont été saisis dans son bureau lors de son arrestation.
Toufik Bouachrine a tenté, après l’arrestation de Hajar Raissouni, de véhiculer des cadres de référence biaisés qui restreignent et tentent d’orienter ailleurs, la vraie information. L’affaire de la journaliste a continué un débat qui propose un état des connaissances sur les questions de l’avortement et des libertés individuelles. La médiatisation de son cas fut une occasion pour aborder encore et encore, comme depuis quelques années, ces thématiques selon les systèmes de valeurs qui existent et les contextes historiques, sociaux et législatifs.
La libération de Hajar Raissouni est, à la vérité, une mauvaise nouvelle pour le cynisme de Taoufik Bouachrine, qui ne connaît pas de frontière, de ligne de délimitation. L’histoire de Hajar Raissouni ainsi que de celles d’autres anonymes ou médiatisées par le passé proche, prouve que le corps féminin au Maroc constitue encore un lieu où s’exercent le contrôle social et la surveillance culturelle et politique, loin des questions en relation avec libertés individuelles. Toufik Bouachrine, quand à lui, fait de l’appropriation insidieuse des malheurs des autres, un second métier.