Monter un attentat est tout ce qu’il a de plus bon marché, fait remarquer l’hebdomadaire allemand Die Zeit, qui cite les résultats d’une étude menée par l’Institut de recherche du ministère norvégien de la Défense:
«Émilie Oftedal, chercheuse au FFI […] a analysé les attentats menés par 40 cellules jihadistes en Europe entre 1994 et 2013. Résultat: les terroristes n’avaient pas besoin de grosses sommes pour préparer et commettre des attaques qui ont eu lieu à Madrid, Londres ou Copenhague. Près de trois-quarts des attentats ont coûté moins de 10.000 dollars. Ce qui a coûté le plus cher, c’était les armes et les explosifs.»
Mais les organisations terroristes qui se trouvent derrière ces cellules jihadistes, à l’instar de l’État islamique (EI), ont elles besoin de millions de dollars «pour pouvoir exister, pour maintenir le moral des chefs de clan, pour financer sa logistique, ses camps d’entraînement et ses armes», s’interroge Die Zeit. Selon ce journal, la seule façon de combattre l’EI est d’assécher ses ressources financières, rappelant que le combat contre le financement du terrorisme a pris une grande place lors des discussions menées par les chefs d’États du G20 rassemblés à Antalya.
Une organisation autofinancée
Malgré le catalogue de recommandations pour enrayer les flux financiers qui enrichissent les organisations terroristes que diffuse la Financial Action Task Force (FATF), une organisation sous la tutelle de l’OCDE spécialisée dans le blanchiment d’argent, une grande partie des financements de l’EI échappent à la surveillance des transactions bancaires, rappelle l’hebdomadaire:
«L’organisation terroriste s’autofinance désormais en grande partie: l’État islamique a repris à son compte le système d’imposition dans les territoires qu’il contrôle en Irak, qui s’apparente souvent à du racket basé sur la violence. D’après des informations du FATF, ses revenus font l’objet d’une comptabilité soigneuse. Mais il exploite surtout les gisements de pétrole locaux et continue de vivre des réserves d’argent liquide qui ont été dérobées.»
Selon la FATF, citée par Die Zeit, il serait donc «important de paralyser les sites d’extraction de pétrole, les raffineries et les pipelines de l’EI en menant des attaques militaires. Rien que le fait de reconstruire une raffinerie mobile coûterait déjà environ 230.000 dollars américains à l’EI. Cela affaiblirait l’ensemble de l’organisation.»
L’imposition rapporte plus que le pétrole
Mais le quotidien allemand Die Tageszeitung, qui consacre un long article aux sources de financement de l’EI, estime lui que la contrebande de pétrole n’est pas le pivot de l’économie de l’organisation terroriste, pas plus que les financements versés par des grandes fortunes des pays du Golfe. L’organisation terroriste tirerait bien plus de revenus en contrôlant la vente de ressources telles que le blé, la farine ou encore le ciment mais surtout à travers le système d’imposition et de réquisitions qu’elle a mis en place dans les territoires qu’elle occupe actuellement en Syrie et en Irak.
Die Tageszeitung donne l’exemple de la province de Deir ez-Zor, située à l’Est de la Syrie, occupée par l’EI depuis un an et demi. Le chercheur britannique Aymenn al-Tamimi a pu se procurer des documents sur le budget du califat dans cette région :
«Selon les documents du “ministère des Finances” de l’EI à Deir ez-Zo, les revenus tirés du pétrole et du gaz représente 28% de l’ensemble des revenus, les revenus tirés de l’impôt représentent 24%. Ce sont les revenus tirés des biens immobiliers et autres objets de valeurs qui ont été confisqués qui représentent le plus grande poste du budget, avec une part de 45%. Si l’on fait une estimation haute des revenus liés au pétrole à Deir ez-Zor, on obtient en moyenne 66.433 dollars par jour.»