Le groupe d’experts des Nations unies sur la biodiversité conclut, dans un rapport publié jeudi, que la pandémie de Covid-19 ne sera sûrement pas la dernière. Et il avertit que si l’humanité ne réduit pas son empreinte sur le monde animal, les futures crises sanitaires risquent d’être plus virulentes.
La pandémie de Covid-19 risque fort de n’être que la première d’une longue série. « Les pandémies futures seront plus fréquentes, se propageront plus vite, feront plus de mal à l’économie et tueront plus de personnes » si on ne fait rien, prévient un rapport du groupe d’experts de l’ONU sur la biodiversité (IPBES), publié jeudi 29 octobre.
En tout, 22 scientifiques ont été chargés par cet organisme d’éplucher des centaines d’études sur les liens entre les humains et la nature pour mieux comprendre le risque sanitaire posé par l’empiètement croissant de l’activité humaine sur l’habitat animal. Leur conclusion est sans appel : cette coexistence de plus en plus étroite entre les êtres humains et les animaux sauvages revient à ouvrir une boîte de Pandore sanitaire.
Jusqu’à 850 000 virus chez les animaux capables d’infecter les humains
Il existerait en effet 1,7 million de virus inconnus chez les mammifères et les oiseaux, et 540 000 à 850 000 d’entre eux « auraient la capacité d’infecter les humains », rappellent les auteurs de ce rapport en se basant sur une étude publiée dans la revue Science en 2018.
Et le Covid-19, la plus marquante de ces zoonoses (maladies infectieuses transmises à l’homme par un animal), est très loin d’être le seul exemple d’un virus qui s’est déjà frayé un chemin depuis le règne animal vers le corps humain. Le virus Ebola, le Sars de 2002, le VIH : en tout, « près de 70 % des maladies émergentes et presque toutes les pandémies connues sont causées par des microbes d’origine animale », soulignent les auteurs du rapport.
Pas question de blâmer les pangolins, chauve-souris et autres vecteurs de coronavirus sur patte ou à aile, tiennent à préciser ces experts mandatés par l’IPBES. Ce sont « la modification de l’utilisation des terres, l’expansion et l’intensification de l’agriculture, ainsi qu’un commerce, une production et une consommation non soutenables » des humains qui sont pointés du doigt dans cette étude.
Ce travail « est un rappel cinglant que notre santé, notre richesse et notre bien-être dépendent de la santé, de la richesse et du bien-être de notre environnement », souligne Nick Ostle, spécialiste de la biodiversité à l’université de Lancaster, dans une contribution au site Science Media Center.
Une série de propositions pour réduire les risques
Pour ces scientifiques, le Covid-19 et la menace de futures pandémies encore plus virulentes font partie d’un grand tout. « Ce rapport met en lumière le fait que la pandémie actuelle n’est pas un phénomène isolé, mais qu’elle forme, avec la perte de biodiversité et le réchauffement climatique, une grande et unique crise. La plus importante à laquelle les humains ont jamais fait face », résume John Spicer, professeur de zoologie marine à l’université de Plymouth, également cité par Science Media Center.
Mais si, aux yeux des experts de l’IPBES, les humains sont les grands coupables, la bonne nouvelle est qu’ils peuvent encore réparer leurs erreurs. Le rapport fait ainsi une série de propositions pour réduire le risque de multiplication des zoonoses.
Certaines de ces mesures semblent plutôt simples à mettre en œuvre, comme l’instauration d’un Conseil international de prévention des pandémies, chargé de « fournir aux dirigeants les informations scientifiques les plus pertinentes sur les maladies émergentes ». Le rapport propose aussi de délimiter des « zones géographiques à risque » que les humains ne devraient pas chercher à exploiter économiquement.
Mais d’autres semblent politiquement plus sensibles : réinventer le modèle agricole, inciter à consommer moins, réduire les échanges internationaux pour limiter le risque de propager d’éventuels virus, soit un profond changement de notre modèle de développement économique.
Les auteurs du rapport reconnaissent que ce n’est pas un mince défi. Mais ils soulignent aussi que la logique actuelle – guérir plutôt que prévenir les pandémies – constitue un très mauvais calcul économique. La facture des « pandémies et maladies émergentes s’élève environ à 1 000 milliards de dollars par an, alors que les stratégies de prévention proposées coûteraient entre 40 milliards et 58 milliards de dollars par an », conclut l’étude.