La ministre espagnole de la Défense Margarita Robles a accusé samedi le Maroc d’avoir «instrumentalisé» des centaines de mineurs après l’afflux dans l’enclave de Sebta de milliers de migrants au début de la semaine dernière, qualifiant l’épisode d’«inacceptable», sans même évoquer les tensions aggravées, déclenchées par l’hospitalisation de Brahim Ghali, chef du Front Polisario en Espagne, par un singulier coup de partie et sans en informer le Maroc.
Depuis le 17 mai, au moins 8 000 candidats à l’émigration, dont de nombreux jeunes, ont afflué illégalement dans la ville profitant de l’absence des garde-frontières marocains. La plupart ont été refoulés mais plus de 800 mineurs marocains sont restés à Sebta, dont beaucoup errent dans les rues. Les autorités de Sebta s’activent pour tenter de retrouver leurs parents afin d’assurer leur retour, une tâche ardue.
«C’est inacceptable» tant du point de vue «des lois internationales que des lois humanitaires», a ajouté Mme Robles. Le Maroc avait résolument écarté ces objections et répondu qu’il était libre, comme tout Etat indépendant, et qu’il n’est pas «le gendarme de l’Europe».
Un événement survenu sur fond de crise diplomatique entre le Maroc et l’Espagne. Rabat est furieux après Madrid depuis l’arrivée le mois dernier en Espagne, afin d’y recevoir des soins, du chef du Front Polisario, Brahim Ghali. Le ministre de la justice espagnol, Juan Carlos Campo, a estimé lors d’un forum économique que la crise avec le Maroc était en voie de résolution, mais l’aile dure du gouvernement de Pedro Sánchez choisit l’escalade.
Le gouvernement espagnol a confirmé avoir accueilli en Espagne le chef du Polisario, âgé de 71 ans, «pour des raisons strictement humanitaires, afin de recevoir des soins médicaux». Le Maroc avait alors convoqué l’ambassadeur espagnol à Rabat pour exprimer son «exaspération». Rabat affirme que Ghali a voyagé de façon «frauduleuse» en Espagne, «avec un passeport falsifié». «Cet acte est contraire à tous les principes de la saine politique entre les deux pays. Ce sont ces principes qui devaient diriger les relations bilatérales. Rabat et Madrid doivent être alliés naturels ; toute autre alliance, de part et d’autre, ne pourrait être qu’un système contrefait, momentané, et ne pourrait procurer que des mécomptes» avait déclaré une source diplomatique marocaine.
«Aucun pays agissant dans un esprit de bon voisinage ne peut utiliser des mineurs de cette façon», s’est indignée la ministre de la défense. L’Espagne, a-t-elle souligné, a toujours été «l’un des principaux soutiens du Maroc, mais nous demandons le respect de la part du Maroc, car c’est la clé de la coexistence», a poursuivi la ministre.
Selon Madrid, parmi les migrants, 1 500 étaient des mineurs, tandis que l’association humanitaire Amnesty International a cité le chiffre de 2 000. Les autorités de Sebta ont accusé Rabat d’avoir encouragé les mineurs à franchir la frontière afin d’exercer une pression sur Madrid dans le contexte de la crise diplomatique entre les deux pays en raison de la présence sur le territoire espagnol de Brahim Ghali, accusé de crimes de guerre, lui et d’autres responsables algériens et sahraouis.