Les effets économiques de la crise du covid-19 n’ont épargné aucun secteur d’activité. Les professionnels de tous les secteurs appellent à l’aide et sollicitent le gouvernement pour avoir leur part du Fonds Spécial dédié à la gestion de la pandémie du covid-19. Mais l’Etat peut-il vraiment se permettre de sauver et de relancer tous les secteurs endommagés ? Sinon, quels sont les critères pour définir les secteurs prioritaires ? Driss Effina, professeur universitaire et président du Directoire du Centre indépendant des analyses stratégiques apporte de l’éclairage.
Barlamane.com : les appels à l’aide fusent : entreprises, propriétaires de commerces, écoles privées, artisans, professionnels du tourisme, et même des artistes. Face à la détresse, les appels aux subventions se multiplient, mais de manière réaliste, est-ce que l’Etat peut relancer et subventionner tous les secteurs ?
Driss Effina : l’Etat a déjà supporté une partie des charges fixes des entreprises en distribuant des aides financières aux citoyens à travers la CNSS. Ce sont des personnes qui normalement reçoivent leur salaires des entreprises dans lesquelles ils travaillent. De même pour la RAMED et les travailleurs informels. L’Etat a conduit un arrêt volontariste de l’activité économique pour prévenir la propagation du virus, mais il a compensé en assumant une partie des charges fixes des entreprises, qui est celle des salaires.
Reste donc aux entreprises d’assumer les charges fixes hors prise en charge, comme par exemple le loyer ou d’autres charges qui restent facturables malgré la diminution du chiffre d’affaires. Il faut savoir que ce sont ces charges fixes qui mènent la plupart des entreprises à la faillite. Pour aider avec celles-ci, l’Etat a mis en place le dispositif Damane Oxygène pour lequel il se porte garant, sachant que cela va générer un coût important pour l’Etat.
Quels seraient les secteurs prioritaires à la relance et comment les déterminer ?
Pour déterminer les entreprise prioritaires au soutien, l’Etat devrait se baser sur une stratégie de cas par cas, en se basant sur un principe de base : la déclaration des charges fixes. Les entreprises seront tenues de déclarer de manière franche et justifiée leurs charges pour permettre à l’Etat d’identifier lesquels sont les plus éligibles à la subvention. Le Maroc n’a évidemment pas les moyens de distribuer de l’argent de manière forfaitaire à tout le monde.
En général, les secteurs prioritaires à la relance sont les secteurs productifs. Mais si l’on se base sur un benchmark international, en prenant l’exemple de l’Union européenne, celle-ci a décidé de subventionner les entreprises stratégiques en premier. Au Maroc, nous avons une liste des 500 grandes entreprises nationales sur laquelle l’on pourrait se baser pour définir les plus prioritaires. Par exemple, des entreprises nationales stratégiques comme la RAM devraient être subventionnées en urgence, d’autres comme IAM n’ont pas été touchées par la crise jusqu’à présent, réalisant même de bons scores.
Beaucoup d’entreprises nationales se portent encore bien à ce stade de la crise. Certaines viennent de déclarer leur chiffre d’affaire trimestriel et les dégâts restent gérables, mais la crise économique se fait en vagues, et la deuxième vague sera celle de la demande, donc il faudra attendre pour voir.