La culture des fruits rouges compte désormais parmi les secteurs agricoles les plus pondérants. Génératrice d’un chiffre d’affaires satisfaisant, mais aussi intimidante à l’étranger, les fruits rouges marocains ne cessent de conquérir les marchés… mais pèche par manque d’encouragement à l’investissement. Diagnostic.
La région de Tanger-Tétouan-Al Hoceima (Loukkos) et plus spécifiquement Larache a réussi à s’ériger en région phare de la culture des fruits rouges. Après l’apparition des premières cultures fraisières en 1980, les cultures sous serre et l’irrigation au goutte-à-goutte, ont bouleversé la donne. En 2019, la superficie de cette culture a atteint environ 3.500 ha (hectares) dont 79% sont localisées au niveau de la région du Loukkos.
Dejà, les premières cultures fraisières étaient destinées, en premier lieu, à alimenter les marchés avec des fruits hors saison pour le grand plaisir des consommateurs européens. Aujourd’hui, la production marocaine est devenue complémentaire de celle de l’Europe. Les fruits rouges sont actuellement parmi les productions fruitières les plus rentables. Ils sont très demandés notamment sur les marchés européens et américains. Au Maroc, les productions hors saison commencent en novembre et se terminent en mai, et compensent le manque des marchés internationaux. Kénitra fait également partie du plus grand bassin de production des fruits rouges, qui occupent dans la région de Rabat-Salé-Kénitra une superficie de 4.329 ha, dont 2.633 ha de fraisier, 1.036 ha de myrtille, 620 ha de framboisier et 40 ha de baies de goji. La production totale des fruits rouges dans cette province est de 127.350 tonnes annuellement, soit 65% de la production nationale.
En même temps, plusieurs obstacles se dressent toujours face à l’optimisation du potentiel de cette culture. Le premier reste financier et concerne surtout les cultivateurs. Les coûts liés à la production ne cessent d’augmenter et surtout le prix du foncier. Le prix de location des terrains agricoles coûte environ 20.000 dhs par hectare. La main-d’oeuvre est également un souci puisque la plupart préfère encore travailler dans les cultures espagnoles par souci de meilleur revenu. La culture des fruits rouges nécessite la mise en place de serres qui coûtent 180.000 dhs l’unité, donc, pour une exploitation d’un minimum de 30 hectares, il faut compter une exploitation de 5 millions de dhs. Ajoutons à cela le fait que les fruits rouges nécessitent une certaine température constante pour bien pousser, cela nécessite la mise en place de chauffages pour éviter les baisses de températures lors des saisons ou nuits fraîches. Tout cela constitue des dépenses de production qui s’élèvent à 400.000 dhs par hectare en moyenne, tout inclus. Les fruits rouges sont donc coûteux à produire.
Malgré tout cela, le marché des fruits rouges croît toujours à l’export. Les exportations des fruits rouges sont passées de 66.332 T en 2010-2011 à 115.442 T en 2017-2018. Au niveau des trois principales zones de production en l’occurrence, le Gharb, le Loukkos et le Souss Massa, le volume exporté des fruits rouges représente en moyenne 60 à 70% de la production totale des fraises, 90 à 95% des framboises et plus de 95% des myrtilles. La destination principale de cet export reste l’Union européenne, mais le Maroc exporte aussi vers 41 pays différents sur les 5 continents.
Cependant, les fruits rouges marocains ne sont pas toujours les bienvenus sur les marchés européens, surtout auprès de pays également producteurs de fruits rouges. En Espagne, le directeur de l’Association des producteurs et exportateurs de fraises de Huelva, Rafael Domínguez, se fera entendre lors de la prochaine réunion que le ministre Luis Planas prévoit de tenir avec les représentants de l’Association des producteurs et exportateurs de fruits, légumes, fleurs et plantes vivantes (FEPEX). « Nous parlerons de la concurrence, ni logique ni normale, que nous avons sur les marchés européens avec des framboises qui viennent du Maroc et qui provoquent une crise des prix dans la campagne actuelle ». En effet, les exportations marocaines inquiètent, puisqu’elles influent sur la volatilité des prix de ces produits sur le marché.
La culture des fruits rouges reste une culture soumise aux aléas du marché. Puisque 70% des fruits rouges sont destinés à l’export, une éventuelle baisse de consommation en Europe peut entraîner de grosses pertes matérielles. Il faut également que le produit s’écoule dans les marchés à temps, et qu’il reste consommable, sinon, sa valeur au kilo en vente baisse par rapport à son coût au kilo en production. Pour exporter les fruits rouges, il faut également disposer ‘un bon système de chaîne de froid, puisque ce sont des fruits généralement fragiles, ils entraînent un coût supplémentaire. De plus, la nécessité de conquérir de nouveaux marchés hors Europe se pose de plus en plus, puisque le produit marocain compromet, en termes de compétitivité, plusieurs produits locaux.
Il n’en reste pas moins que les fruits rouges marocains restent un produit de prédilection dans les pays où ils sont exportés. La culture des fruits rouges a connu de nombreux progrès lors de ces dernières années. La superficie totale allouée à la culture des fruits rouges au Maroc est passée de 3.035 ha en 2009 à environ 9.000 ha au cours des deux dernières années. L’augmentation des surfaces cultivées a entraîné un bond de la production avec 197.000 tonnes de fruits rouges produits en 2019 dont environ 140.000 tonnes sont destinées à l’exportation.