Au Maroc une femme sur deux affirme avoir été victime de violences, selon une enquête du ministère de la famille datant de 2019. Dans 30 % des cas, il s’agit d’un viol. Pourtant, la parole de ces femmes est plus inaudible que jamais. Deux affaires précises ont subi les assauts verbaux d’une implacable caste hautaine et fermée.
Au Maroc, une femme sur deux affirme avoir été victime de violences, selon une enquête du ministère de la famille datant de 2019. Dans 30 % des cas, il s’agit d’un viol. Les chiffres dévoilés disent qu’elles ne sont que 6,6 % à oser porter plainte. Peu connus du grand public il y a encore un an, Omar Radi et Soulaiman Raissouni incarnent aujourd’hui les visages de la prépotence de la parole qui broie les victimes des violences sexuelles.
Le premier a été condamné pour avoir reçu des «financements étrangers», pour «atteinte à la sécurité intérieure de l’Etat» et pour «viol» dans deux affaires jugées conjointement par la chambre criminelle de la cour d’appel de Casablanca. Le second, a été inculpé pour «attentat à la pudeur avec violence et séquestration» après la plainte d’un militant pour les droits des personnes LGBT (lesbiennes, gays, bies, trans).
«L’accusé [Soulaiman Raissouni] ne peut pas être au-dessus de la loi juste parce qu’il est journaliste», a estimé le plaignant dans un post Facebook tonitruant. Pourtant, le mouvement citoyen contre le harcèlement sexuel #MeToo peine à empocher ses premières victoires au Maroc.
Les tribunes se succèdent, avec leur cortège d’injonctions d’oukases et d’intimidations : «Arrêtés respectivement en mai et en juillet 2020, ces deux journalistes (…) nient en bloc l’empilement d’accusations portées contre eux (délits sexuels, espionnage, atteinte à la sûreté de l’Etat) et que leurs dossiers ne semblent apporter aucune preuve de la matérialité des faits qui leur sont reprochés», «Début décembre, leurs procès en appel ont commencé. Allons-nous assister encore une fois à une parodie de justice ? Les conditions et les règles de procès équitables seront-elles respectées ? Maâti Monjib, Omar Radi et Soulaiman Raissouni auront-ils la possibilité, comme ils le souhaitent, de se défendre et d’apporter les preuves de leur innocence ?», «Une première mesure de bonne volonté (…) serait déjà de faire comparaître Omar Radi et Soulaiman Raissouni en liberté provisoire, comme cela est déjà le cas pour Maâti Monjib».
Puis, le coup de grâce : «La place des journalistes n’est pas en prison.» Fait unique, des ONG ont pris la défense d’individus coupables de graves violences sexuelles au lieu d’être alliées de l’accusation. Elles ont demandé leur acquittement parce que la condamnation de ces individus sera en raison de leur travail. Le terrain des affaires Radi-Raissouni a été comme encombré de chantages ineptes et iniques, pour le but d’arrêter ou de gêner tout au moins la marche de les enquêtes.
Jamais, l’indépendance judiciaire marocaine, régie par le principe de la règle de droit, n’a subi un tel assaut. Jamais le harcèlement verbal dirigé contre la justice nationale n’a été si persistant : «rudesse envers les accusés», «acharnement», «âpreté du langage», le tribunal a «une mission particulière de rigueur ou de vengeance». Des phrases infondées, plus ou moins inventées, plus ou moins déplacées, qui ont pu échapper, à des activistes internationaux, à des agents provocateurs.
Dans l’enceinte des tribunaux, rien ne devait entrer que la loi et des faits prévus par la loi. C’est le lieu de l’impassibilité et de la règle. Sauf que certaines passions étrangères ont préféré remettre en doute l’inamovibilité des juges, la rigueur du texte des lois et les impérieux règlements de la procédure. Ces affaires qui devaient être placées au-dessus de toutes les influences ont été accaparées médiatiquement par des forces d’ailleurs.
Début 2020, les autorités françaises ont déclaré que les victimes des violences sexuelles osent plus déposer plainte que par le passé. Une augmentation de 12 % a été enregistrées par les incitations à la libération de leur parole. En même temps, des plumes téléguidées hostiles au Maroc déclarent «apporter leur soutien» à des individus «poursuivis pour avoir exercé leur métier».
Hafsa Boutahar et Adam Mohamed ont été marginalisés; ignorés, traînés dans la boue. Tandis que les soutiens de leurs bourreaux se sont fait juges d’instruction. Au lieu d’une reconstitution minutieuse des dossiers par le bon ordre des preuves, l’enchaînement rigoureux des faits, le départ équitable des responsabilités, ils ont préféré décharger les prévenus avec des tribunes guidées par le ton d’un contre-réquisitoire, avec l’accent contenu du juge qui rend un arrêt.
Voici l’introduction d’une hallucinante tribune signé en avril par un collectif, et publiée dans le journal Le Monde : «À l’heure où la France et le Maroc semblent avancer sur la voie du plan d’autonomie marocain pour le Sahara occidental – et ce en contradiction du droit international –, nous ne pouvons pas ne pas réagir aux poursuites judiciaires iniques qui visent les journalistes marocains Soulaiman Raissouni (en prison depuis mai 2020), Omar Radi (en prison depuis juillet 2020), Taoufik Bouachrine (en prison depuis décembre 2019), Chafik Omerani (libéré) et Imad Stitou (en fuite).»
L’étalage inopiné de ce cynisme tranquille a causé une énorme stupéfaction. Ces procédés ont été désavoués, condamnés, flétris par la société civile marocaine. Pour certaines ONG, la proclamation de l’innocence des gens qu’ils prétendent défendre ou le maintien de leur culpabilité est chose négligeable à leurs yeux. La vérité leur fait peur, il ne semble guère possible que l’acharnement contre les institutions marocaines suffise jusqu’au bout pour nier l’évidence.
Le MeTooMaroc est confronté à deux défis : la lente évolution de la société engouffré dans un cours tortueux qui se replie cent fois sur lui-même, et les apostasies de certaines ONG qui réduisent de graves affaires sexuelles à de petites considérations politiques. Ceux qui ont machiné l’odieux détournement de ces procès de droit commun pour empêcher l’éclatement de la vérité recourront sans doute aux tentatives les plus audacieuses, les plus immorales, pour troubler et fausser l’instruction des dossier, pour tromper et égarer l’opinion. Donc, la bataille continue.