Le Parti de la justice et du développement (PJD) a subi une cinglante défaite aux élections générales marocaines du 8 septembre au profit du Rassemblement national des indépendants (RNI), qui devrait avoir grand aise à constituer la future majorité gouvernementale.
«On les savait en difficulté, mais ils ont été laminés. Les islamistes du PJD ont perdu la majorité de la Chambre des représentants, pour être relégués en 8e position. Sur 395 députés, ils en avaient 125 et n’en auront plus que 13, selon les résultats annoncés. Un désastre dont le Rassemblement national des indépendants (RNI) a su profiter» écrit Le Figaro dans son édition du 10 septembre.
«Quatrième force politique à l’issue des législatives de 2016, le RNI a réussi à prendre la tête de la Chambre avec [102] députés, suivi par une autre formation libérale, le Parti Authenticité et Modernité (PAM), et par le parti de centre droit l’Istiqlal. Un vote sanction» précise-t-on.
«Le PJD n’a vraisemblablement pris conscience de ce qui s’annonçait qu’au dernier moment, une semaine avant le lancement officiel de la campagne électorale, le 25 août, lorsque s’est clos le dépôt des déclarations de candidatures. Là, il a découvert qu’il n’était pas parvenu à recruter des candidats dans toutes les circonscriptions (les législatives étaient couplées aux municipales et aux régionales), tant s’en faut» a-t-on détaillé.
«Il est frappant de constater que le nombre de candidats que les partis ont réussi à réunir pour les municipales est parfaitement corrélé avec leurs résultats aux législatives. Ainsi, le RNI est le premier parti en nombre de candidats. Il a réussi à couvrir 80 % des municipalités. Venait ensuite le PAM avec 21 000 candidats, l’Istiqlal. Le PJD n’arrivait qu’en 8e position derrière l’UC», détaille David Goeury, géographe, chercheur au laboratoire Médiations de la Sorbonne, interrogé par le quotidien français.
L’ampleur de la désaffection s’est confirmée dans les villes qui avaient pourtant permis au PJD de faire la différence lors des deux précédentes législatives. Alors que le parti islamiste était supposé reposer sur une base électorale fidèle et mobilisée, le PJD aurait subi un énorme vote sanction, toujours selon David Goeury. «En 2015, le PJD avait gagné la majorité des grandes villes. Ses élus ont même eu souvent la majorité absolue et n’avaient donc pas l’excuse de devoir composer avec d’autres partis. Là, les élus PJD ont eu un bilan mitigé et très critiqué. Le vote sanction a été tel que le PJD a perdu jusqu’à 75 % de ses électeurs urbains», explique-t-il.
«En face, le RNI a mené campagne très tôt. Dès novembre 2019, il lance le programme 100 jours 100 villes et part à la rencontre de la population des petites et moyennes villes. Cette longue campagne alimente régulièrement sa page Facebook, à laquelle il consacre 300 000 dollars» précise-t-on.
«Ce qui préoccupe, ce n’est plus les infrastructures, mais la qualité, l’efficacité et surtout l’accessibilité des services publics des écoles, de la santé», explique M. Goeury au Figaro. « Sur les réseaux sociaux, le parti a misé sur un programme en phase avec ces problématiques. Le RNI et le PAM ont ainsi réussi à évincer le PJD, et ainsi refermer dans les urnes la parenthèse islamiste ouverte en 2011.»