Le 20 approche à grand pas. Au vu de la dernière sortie du chef de gouvernement suivie de celle du ministre de la Santé, le gouvernement n’a aucune visibilité sur le déconfinement. Le sourire à pleines dents d’El Othmani en appui à un discours plein d’hésitations et le visage grave de Ait Taleb révélateur d’une prudence réitérée, annoncent que rien ne confirme un déconfinement au lendemain du 20 mai. Ni un long prolongement du confinement d’ailleurs.
Le Maroc, jusque-là, a piloté adroitement la lutte anti covid-19. Bien plus du fait de départements conduits par des profils plus technocrates que partisans que de la majorité gouvernementale. Ce sont ceux qui se sont révélés les plus à même de répondre à la vision royale largement applaudie sur les plans national et international et qui a valu au Maroc certains appuis dont le déblocage, pour ne citer que l’aspect financier, du budget de l’Union européenne, par exemple.
Le Maroc a agi en interne, réagi de manière propre selon ses spécificités et en prenant en compte certaines expériences réussies à l’international (beaucoup moins la France, mais plus l’Europe du Nord et l’Asie). Bien sûr, même ces départements dirigés par des profils venus de milieux technocrates ont subi quelques couacs mais dans l’ensemble leur gestion de la chose épidémique est louable. Qu’il s’agisse de la distribution de l’aide aux populations les plus fragiles, la production locale de masques, ou de la manière de faire respecter la sécurité sanitaire des citoyens.
A cela s’ajoute une autre manière de communiquer -hormis les sorties médiatiques du chef de gouvernement suivies automatiquement par celles de ministres issus de milieux dits « technocrates » qui recadrent son enthousiasme béat et vide de toute information profitable au citoyen- : les fuites de documents.
En dehors des faux, auxquels des démentis sont publiés à longueur de journée, faisant pratiquement l’essentiel de l’information des canaux officiels, tantôt il s’agit de plans de déconfinement, tantôt de projets de loi. Et la réaction, qu’elle émane du large public comme celle pour contrer le projet de loi 22.20 ou des milieux professionnels concernés comme pour les jugements anticipés, montrent que les Marocains ont pris le pas de la digitalisation beaucoup plus rapidement que les départements administratifs qui chapeautent le quotidien des citoyens. Et ce, malgré les annonces de dématérialisation de leurs services publiées tout au long de l’année et bien avant que l’apparition du covid-19 n’oblige à confinement.
Alors ce déconfinement, prolongé à après ramadan ? Aura-t-on atteint les trois conditions pour l’amorcer sereinement : celles liées à la stabilité de la situation épidémiologique, à la baisse des nouveaux cas de contamination et à l’inflexion de l’indicateur de propagation du virus sous la valeur 1, telles qu’indiquées par le ministre de la Santé ?
Pour le moment, c’est le facteur santé qui semble primer sur le facteur économique contrairement à nombre de pays, ayant d’ailleurs enregistré de nouveaux foyers élevés de contamination après déconfinement. En effet, la santé du citoyen relègue au second plan l’urgence économique bien que les plans de sauvetage des TPME et des secteurs contribuant fortement au PIB national s’avèrent insuffisants pour relancer l’activité. Quelque 61% des entreprises sont à l’arrêt, impactant les employés et leur clientèle. D’autres en activité, retardent les paiements grippant fortement la machine qui continue lentement de tourner. Et l’épée de Damoclès des échéances fiscales et de redevances à l’Etat selon le domaine d’activité pend sur la survie du tissu économique. Sans oublier le chantier lié au secteur informel mieux circonscrit aujourd’hui avec l’aide aux cibles les plus fragilisées par le Covid-19 à faire basculer dans le circuit formel et donc à taxer.
Comment sauver l’emploi, venir à la rescousse de l’économie, imposer le citoyen et l’entreprise, tous secteurs confondus ? Le plan de déconfinement et du CVE (comité de veille économique) le dira à l’opinion publique certainement plus rapidement que les annonces du chef de gouvernement, ou le plan rectificatif de la loi de finances attendu.